Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 41

LA MENACE DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE DANS LE MONDE
(« El Mayo »). Désormais, c'est ce dernier qui assure le
contrôle des réseaux et des routes.
109. El cartel de Jalisco. - C'est une structure criminelle
assez récente, mais avec une grande capacité
de colonisation, car elle a réussi à s'installer au sein de
territoires qui appartenaient traditionnellement au Cartel
de Sinaloa. À ses origines, aux alentours de 2007, il
s'agissait d'un groupe de sicaires réputés par leurs
méthodes violentes et sous les ordres d'autres cartels
qui finirent par récupérer les routes et les réseaux du
trafic à cause de la mort et l'emprisonnement de certains
chefs à la suite d'une guerre entre cartels. La nouvelle
génération du cartel de Jalisco (CJNG) voit le jour en
2010. Son chef, Nemesio Oseguera (« El Mencho »),
un ancien cultivateur d'avocats, assure actuellement le
trafic de cocaïne vers les États-Unis tout en maintenant
leurs deux produits phares : la méthamphétamine et le
fentanyl. Les liens entre ce cartel et le trafic de drogue
colombien sont si puissants qu'il est, depuis 2016, le
principal investisseur de centres opérationnels qui ont
été repérés dans les plus grandes villes de la Colombie.
Malgré cette colonisation mafieuse, les guerres entre
cartels, sanguinaires au Mexique, ne sont pas encore
ressenties en Colombie. Ils préfèrent, pour le moment,
se limiter à financer indirectement une violence qui n'est
pas de leur fait.
110. Mafieux, dissidents, bandes criminelles, tous
ces acteurs attestent de la grande mutation dans le
processus de production et de commercialisation de la
cocaïne. Les variations dans le profil des trafiquants et la
fragmentation des étapes permettent certes de garantir
une meilleure technicité, l'opérationnalité des tâches afin
de rationaliser les ventes, mais surtout, ils contribuent à
l'instauration d'un ordre socio-économique.
B. La configuration d'un nouvel ordre
socio-économique
111. Grâce à la capacité d'implantation dans la
sphère économique et sociale, les organisations du
commerce de drogue instaurent un ordre en Colombie.
Cela est évident, car derrière l'organisation se cache
un marché capable de réaliser 90 % de marge de profit
sans compter les inversions dans des structures légales.
La configuration de cet ordre socio-économique s'effectue
à travers la mise en place d'un ordre normatif (1) et
sa capacité pour restructurer l'ordre sociopolitique (2).
1. L'implantation d'un ordre normatif
112. Les organisations dédiées au trafic de drogue
répondent à des règles propres. Paradoxalement, elles
sont capables de consolider un ordre normatif à part
entière avec des caractéristiques bien spécifiques : il
s'agit de règles à contenu variable sous formes diverses
(adages, normes implicites, normes formulées, décisions),
mais hautement efficaces et contraignantes.
Sous ce système normatif, les lois de la coca (a) coordonnent
les interrelations avec d'autres groupes légaux
et illégaux (b) formant ainsi le tissage d'un ordre normatif
à part entière capable de concurrencer l'État.
a) Les lois de la coca
113. « Plata o Plomo ». - Loin des idées reçues, les
organisations du trafic de drogue possèdent un système
normatif très structuré. Ils ont des lois pour organiser
le système économique ainsi que des lois de contrôle
social qui s'adressent autant à leurs membres qu'à la
population. Parmi ces lois, l'on trouve la loi du silence,
de la gâchette, la loi de la route, la loi contributoire et,
bien évidemment, la loi de l'argent.
114. La loi du silence. - Elle a été popularisée
par les mafias italiennes sous le nom d'Omertà, mais
elle est propre à toutes les organisations criminelles
et celles de la Colombie n'y font pas exception. La loi
du silence garantit l'existence de l'organisation ellemême.
Sa force normative est sans limites, car elle
instaure un système de non-dit : « ce qui ne peut être
dit, puisque rien n'est vu, rien n'est entendu, rien n'est
à dire ». La loi du silence cherche à anéantir l'existence
d'actes interdits, mais elle les autorise et les légitime.
Par ailleurs, elle est l'expression même du sentiment
d'appartenance à un groupe et du devoir fondamental
de fidélité qui vise à créer des relations de confiance
extrême entre les membres. Elle fait donc office de
règle du secret professionnel et fonde le consensus
social de façon implicite.
41
Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re
