Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 73

LA MENACE DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE EN FRANCE
et de Montoir-de-Bretagne. Cela peut s'expliquer par
le fait que les agressions sont peu dénoncées par les
victimes par peur des représailles et/ou de poursuites
judiciaires pour trafic de stupéfiants, ainsi que par
l'omerta qui caractérise le milieu de la manutention
portuaire. Toutefois, l'intensification des violences
ciblant les dockers les incite de plus en plus à se tourner
vers les forces de l'ordre.
227. Les violences visant à entraver les contrôles
et les procédures. - Les groupes criminels n'hésitent
plus à prendre pour cible des agents publics et privés
participant directement ou indirectement à la lutte
contre le trafic. Des trafiquants sont notamment parvenus
à obtenir des renseignements précis sur des
agents de police et sur leurs proches, souvent à partir
des données mentionnées sur les procès-verbaux
d'audition et croisées avec celles disponibles sur les
réseaux sociaux. Ces informations sont utilisées pour
proférer des menaces de mort ou de représailles à
leur encontre.
De même, dans les Outre-mer, les forces navales sont
confrontées à un niveau croissant de manœuvres dangereuses
d'évitement, mais aussi de violences avec des
cas répertoriés d'échanges de coups de feu ou de tentative
d'éperonnage. Ces violences traduisent la détermination
des groupes criminels à mener à bien leurs
trafics en adoptant une stratégie agressive à l'égard des
services répressifs.
§ 2 * Une criminalité qui s'appuie
sur d'importantes ressources financières
et organisationnelles pour pérenniser
ses activités
228. Le chiffre d'affaires annuel du trafic de stupéfiants
est estimé à au moins 3,5 milliards d'euros en
France, ce qui permet aux groupes criminels de dégager
d'importants bénéfices, dont une partie est réinvestie
dans le trafic. Grâce à ces ressources financières,
couplées à des ressources organisationnelles, les trafiquants
déploient des stratégies structurées afin de
pérenniser, voire accroître, leurs activités. S'enclenche
alors une dynamique auto-entretenue où le trafic génère
les ressources nécessaires à sa pérennisation.
A. Des stratégies économiques
de détournement des codes des entreprises
légales au profit du trafic de stupéfiants
1. Les groupes criminels adoptent un modèle
organisationnel inspiré des entreprises
afin de maximiser leurs profits
229. La mise en œuvre d'une stricte division du
travail répondant à des objectifs de rentabilité. - Les
trafiquants agissent comme de véritables opérateurs
économiques ayant pour objectif de gagner des parts
de marché et de générer un maximum de profits en diminuant
les coûts et en jugulant les risques. Pour ce faire,
ils s'appuient, au même titre que les entreprises légales,
sur une filialisation par activité en compartimentant les
tâches entre les acteurs chargés de l'approvisionnement
et ceux chargés de la vente. Chaque partenaire
est donc spécialisé sur un segment précis du trafic, afin
de gagner en efficacité économique et en productivité.
Ainsi, selon un rapport de la MILDECA d'octobre 2016,
le taux de rentabilité du trafic de cannabis se situerait
entre 30 et 40 % des sommes initialement investies.
Pour la cocaïne, le taux de rentabilité oscillerait entre
40 et 60 %.
230. Le recours à des alliances opportunistes et
à la mise en concurrence des prestataires de services.
- Tout comme les entreprises commerciales, les
groupes criminels fonctionnent de manière opportuniste
dans leurs modes opératoires et ne recourent pas systématiquement
aux mêmes prestataires ou partenaires,
notamment dans le but de diminuer les coûts. Ainsi, sur
les points de deal, les équipes de « petites mains » sont
fréquemment renouvelées et recrutées de façon variée.
À titre d'exemple, le recours à des mineurs non accompagnés
étrangers (MNA) pour des postes de revendeur
permet aux trafiquants de baisser les rémunérations
sur les points de deal et de pallier le manque de maind'œuvre
locale.
231. Des stratégies économiques mises au service
de la protection du trafic. - La sollicitation de
prestataires de services ainsi que la mise en œuvre d'une
stricte compartimentation des tâches permettent, outre
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