Droit et Société - Volume 63 - Droit, justice et changement social - 11

INTRODUCTION
rique plus brève, ces mouvements d'institutionnalisation et de désinstitutionalisation
peuvent plus facilement être observés. C'est à cette échelle intermédiaire
que nous avons situé nos observations des relations entre droit, justice et changement.
C'est-à-dire sur des changements observables sur quelques décennies ou
quelques années.
À cette échelle, il est facile de remettre en question l'hypothèse d'une surinstitutionnalisation
continue des rapports sociaux, qu'une certaine idée de la
modernité laisse entendre. On peut facilement constater au contraire la multiplicité
des processus de désinstitutionalisation qui accompagnent la recomposition
continue de la vie en société, qu'elle soit le fruit de la globalisation ou de la
segmentation des références, des normes et des pratiques. Les tendances à la désinstitutionalisation
sont souvent elles-mêmes le produit d'une recomposition
des références, des normes ou des pratiques sociales, bref d'innovations qui ne
peuvent trouver d'expressions dans le cadre des rapports sociaux institués. En
contrepartie et en réponse à cette apparente entropie, tout système fortement institué
cherchera à rétablir la stabilité des rapports sociaux qu'il a vocation à réguler,
soit qu'il parvienne à récupérer ces innovations ou à se surimposer à celles
qui sont le plus susceptibles de compromettre sa domination sur son champ d'action
particulier. Aussi, une forme de tension entre l'ancien et le nouveau traverse
chaque configuration sociale, sinon chaque champ d'action fortement institutionnalisé.
Analyser
les mutations sociales sur des périodes précises permet de repérer
les contextes les plus susceptibles de servir de catalyseurs au changement des
références, des normes et des pratiques. On s'est ainsi particulièrement arrêté aux
conjonctures fluides, sinon aux contextes de crises propices à une reconfiguration
de l'action institutionnelle.
L'avantage considérable qu'offre l'étude du champ du droit et de la justice
est de rendre possible l'observation de ces tensions en instituant et institué et,
partant, l'analyse des conditions de changement de systèmes fortement institués
au sein desquels l'innovation est a priori définie comme l'expression d'une sorte
des pratiques dans toutes les dimensions de la vie collective. Ils imposent ainsi une désinstitutionalisation
radicale des rapports sociaux établis antérieurement. On peut observer les mêmes
tendances dans le cadre de situations où les conditions de la régulation sociale antérieure ne sont
plus réunies : conflits armés, migrations massives, crises climatiques, etc. L'observation de ces
moments radicaux démontre cependant la résistance des référents, des normes et des pratiques
établies, en même temps qu'elle favorise la désinstitutionalisation de certains de ces cadres sociaux
en même temps que l'institutionnalisation (ou la (ré) institutionnalisation) de nouveaux
référents, de nouvelles normes et de nouvelles pratiques adaptées aux nouvelles conditions
(d'ajustement) de la vie individuelle et de la collectivité ; bref de la vie sociale. On constate,
dans le cadre de ce mouvement, que les grands bouleversements que peuvent connaître les sociétés
(ou leurs divers démembrements) connaissent de multiples régressions vers des formes
plus anciennes de la vie individuelle ou de la vie collective (et ce, à différentes échelles de la
vie sociale). Bref, les mouvements d'institutionnalisation et de désinstitutionalisation sont rarement
complets et, dans tous les cas, ne sont pas toujours permanents malgré la soudaineté avec
laquelle ils sont survenus.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 63, 2024
Droit et Société - Volume 63 - Droit, justice et changement social

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