Droit et Société - Volume 63 - Droit, justice et changement social - 84

DROIT, JUSTICE ET CHANGEMENT SOCIAL
dans le règlement des litiges qui les opposent et qui mettent en cause leurs intérêts
légitimes de même que ceux de leurs enfants » 51.
Une lecture attentive des déclarations antérieures du ministre révèle en effet
que les motifs évoqués par les agents institutionnels pour justifier l'intégration
de la médiation au répertoire des pratiques judiciaires ont peu à voir avec ceux
que convoquent les traditionnels promoteurs de la médiation familiale. Les arguments
de ceux-ci exploitent en effet un large registre de justifications, fondées
sur une critique des logiques de vengeance et de surenchère entretenues par le
système judiciaire, sur la tendance à la maximisation des gains, supposée propre
au système judiciaire 52, sur les effets pervers entraînés par la mutation de problèmes
humains en problèmes juridiques 53, sur la nécessité de préserver le lien
parental 54, sur la constitution d'un nouveau mode de relation familiale après la
rupture et la protection des enfants en situation de conflit 55, sur l'évolution de la
société contemporaine et la capacité des couples d'être partie prenante à la gestion
de leurs relations et de leurs différends 56, sur la recherche de la justice et de
l'équité 57, sur la viabilité des ententes négociées par rapport à celle des ordonnances
imposées 58, sur l'avènement d'une justice plus « douce » 59, etc. Ces arguments
ont été largement repris en Commission parlementaire. En contrepartie,
les arguments invoqués par le ministère de la Justice sont d'un tout autre ordre
et répondent en fait à des impératifs plus pragmatiques, propres à l'institution
judiciaires. L'intérêt soudain du ministère pour la médiation répond en effet à
des contraintes conjoncturelles importantes, soit la défiscalisation des pensions
alimentaires, la mise au point d'une nouvelle grille de fixation des pensions et,
partant, la multiplication attendue des requêtes en modification de pension, à
compter du mois de mai 1997 60. Cette échéance explique en fait la précipitation
avec laquelle le ministère entend reconnaître la pratique de la médiation familiale
61.
Les arguments évoqués dans la foulée du projet en disent long sur les intentions
poursuivies par l'institution 62. En effet, la médiation familiale se justifierait
surtout par l'ajout obligé de 18 nouveaux juges à la Chambre de la famille, la
51. Remarques préliminaires du ministre de la Justice Paul Bégin en Commission des institutions,
le 29 janvier 1997, en ligne :
(dernière consultation : 27 février 2022).
52. La Presse, 6 décembre 1996.
53. Le Soleil, 4 janvier 1997.
54. Le Soleil, 30 janvier 1997.
55. Le Soleil, 30 janvier 1997.
56. Le Soleil, 4 janvier 1997.
57. Le Soleil, 4 janvier 1997.
58. Le Soleil, 30 janvier 1997.
59. Le Soleil, 30 janvier 1997.
60. Le Soleil, 15 novembre 1996. Ces préoccupations sont largement reprises lors des échanges
engagés lors des auditions en Commission parlementaire.
61. Le Soleil, 15 novembre 1996.
62. La Presse, 5 novembre 1996.
DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 63, 2024
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