Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 146

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LE GOUVERNEMENT DE FAIT DE LA RÉVOLUTION À LA LIBÉRATION
vertébrale et tous les membres brisés. Elle est encore étendue à la clinique, dans le
plâtre et le corset de fer. Elle doit suivre les prescriptions du bon médecin Philippe
Pétain, fédérateur des énergies françaises, sauveur de l'unité de la patrie »255.
B. LE REJET AMBIGU DE LA NÉCESSITÉ RÉVOLUTIONNAIRE
À LA LIBÉRATION (1944‑1946)
226. Àl'instar de ce qui se passe en 1815, en 1870 ou encore en 1871, en 1944,
le choc juridique suit de près le choc militaire. À tel point que sur le terrain de l'affrontement
rhétorique de la nécessité, la victoire d'un gouvernement de restauration
entraîne le rejet des prétentions révolutionnaires avancées par son ennemi. C'est ce
qui arrive avec la victoire des Alliés sur le gouvernement de Vichy à la libération de
la France en 1944. Entre‑temps, le gouvernement des hommes de la France libre a
subi de multiples refontes. Devenu le Comité national français le 24 septembre
1941, il se change en Comité français de libération nationale le 3juin 1943 - présidé
alternativement par Henri Giraud et Charles de Gaulle puis exclusivement par ce dernier
à partir du 9 novembre. Exactement un an plus tard, et à quelques jours du débarquement
en Normandie, une ordonnance du 3juin 1944 transforme le CFLN en Gouvernement
provisoire de la République française (GPRF). C'est donc à partir de l'été
1944 que la France recouvre progressivement une unicité gouvernementale ; le
20 août Philippe Pétain et son gouvernement sont transférés à la forteresse de Sigmaringen
par les autorités allemandes tandis que le 2 septembre, le GPRF se réunit pour
la première fois à Paris. Le décret du GPRF du 10 septembre, fixant la composition du
gouvernement, vient acter cette réunification du pouvoir. Ainsi, la rhétorique constitutionnelle
du Gouvernement provisoire ne souffre plus guère de contestation
sérieuse, ce qui ne l'empêche pas de justifier son pouvoir. Il va procéder à cela par
deux moyens, d'une part, par le rejet de la rhétorique vichyste du pouvoir ; d'autre
part, par l'affirmation en deux étapes d'une nécessité de préservation fondée sur la
restauration : ordonner le droit et prévoir la transition.
227. Commence alors la réfutation effective de la prétendue nécessitée du gouvernement
de Vichy par la négation de sa souveraineté et de sa juridicité. Cette négation
tient d'abord à la rhétorique gaulliste d'une nation française jamais acquise à
l'usurpateur, d'une seule France, unie et unitaire, dégagée du joug de l'ennemi et purgée
de l'envahisseur ; en somme, d'une nation demeurée fidèle à la République et à
son droit. Certains discours de Charles de Gaulle manifestent cette idée256. Mais surtout,
cela se traduit par l'application du programme de réformation des actes du gouvernement
de Vichy prévu par l'ordonnance du 9 août 1944, justement retenue sous le
nom d'Ordonnance relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le
255. J. BARTHÉLEMY, Provinces. Pour construire la France de demain, Paris, Grasset, 1941, p. 91.
256. En témoigne le célèbre discours du 25 août 1944 du général de Gaulle à l'Hôtel de Ville
de Paris, et notamment le passage qui concerne la libération de Paris : « libéré par lui-même, libéré par
son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière,
de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ». Le discours du palais
de Chaillot du 12 septembre 1944 est également très éloquent à ce propos. En effet, selon l'orateur, « malgré
l'oppression, la nuit de l'isolement, la propagande mensongère, l'obstination de servitude des usurpateurs
du pouvoir, jamais la masse des Français ne tint la défaite pour acquise et jamais nos drapeaux ne
furent absents des champs de bataille. À peine le malheur était-il accompli que la nation commençait la
lente et dure ascension qui l'a conduite hors de l'abîme. La flamme de la Résistance française ne devait
pas s'éteindre ; elle ne s'éteignit pas ».
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