Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 162

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LE GOUVERNEMENT DE FAIT DE LA RÉVOLUTION À LA LIBÉRATION
252. Le dépassement du principe monarchique est « l'arbre qui cache la forêt » car,
dorénavant, la question que se posent les parlementaires est celle de déterminer si le
gouvernement de fait a été effectif ou non. En premier lieu, un système fondé uniquement
sur la durée de l'exercice du pouvoir est proposé par le rapporteur de la proposition
de loi, Hippolyte François Jaubert, mais il n'a pas eu une grande portée38. Lamarque, lui
répondant, ne l'admet que pour rattacher les Cent-Jours aux gouvernements consulaires
et à l'Empire. Cependant, il ne fait de la durée du gouvernement qu'un corollaire de
l'acceptation que le pays lui témoignait39. Il assimile ainsi effectivité et assentiment
qui, bien que liés pour l'appréciation des gouvernements de fait, sont deux notions différentes.
En définitive, un système fondant l'effectivité du pouvoir sur sa durée est globalement
rejeté par les autres parlementaires, en ce qu'il est trop subjectif, qu'il sert
davantage de prétexte pour mettre en avant une préférence de l'orateur40. Les opinions
de Jaubert et de Lamarque, qui s'appuient sur la durée, servent, pour l'un, à minimiser la
légitimité du gouvernement de Bonaparte, pour l'autre, à la glorifier. Cette question du
temps de l'exercice du pouvoir, qui dissimule un principe de légitimité politique, n'ade
surcroît pas une pertinence matérielle assez forte pour permettre d'apprécier véritablement
la nature gouvernementale ou non d'une entité politique. En effet, fonder la qualification
du gouvernement de fait sur la durée constitue un critère que l'on ne peut apprécier
qu'a posteriori et qui reste soumis à une grande subjectivité. Il est de surcroît
impossible de déterminer le curseur valable présidant à la bonne durée. Par ailleurs, la
conséquence logique d'une telle doctrine est de fonder l'entrée dans le droit du gouvernement
de fait sur une forme d'usucapion, c'est-à-dire par une prescription acquisitive de
la souveraineté, il se régulariserait et deviendrait un gouvernement de droit. Or, en ce qui
concerne le gouvernement, une telle doctrine, inspirée du droit privé, ne fonctionnerait
éventuellement que dans le cadre d'une conception patrimoniale de l'État, qui n'existe
plus au XIX
e siècle41. De même, il ne peut y avoir de prescription extinctive pour le gouvernement
déchu, l'exemple des gouvernements de restaurations qui ont rétabli leur pouvoir
démontre l'inanité d'une telle doctrine.
253. Lors de ce même débat, André Dupin et Odilon Barrot apportent un élément
décisif: ils vont déterminer les éléments caractéristiques de l'effectivité, à savoir le
contrôle du territoire et des organes infra-étatiques. Une interrogation est soulevée à propos
des décorations octroyées par Napoléon entre le 27 février et le 20mars 1815 -
c'est-à-dire durant sa reconquête du territoire - et par le gouvernement de la commission
provisoire, qui succède à celui des Cent-Jours42. Dupin aîné cherche à savoir ce qui
ne peut détruire les actions passées, les faits accomplis ». Son avis, qui ne correspond ni à l'interprétation
retenue dans cette étude, ni à celle de la plupart de ses collègues, va jusqu'à considérer le simple fait
accompli comme du droit. Il l'affirme lui-même : « Napoléon, en mettant le pied sur le territoire français,
a décidé la question bien autrement que par des sophismes ». v. Ibid., p. 1588.
38. De l'avis de Jaubert : « [q]uand on se place dans l'hypothèse du gouvernement de fait, il faut en
accepter toutes les conséquences : le motfait implique la durée ; la considération de la durée est donc très
grande en cette matière. Ainsi [...] il est permis de dire que le tems pendant lequel ont duré les gouvernements
nés des révolutions politiques, est la mesure à peu près exacte des droits qu'ils ont créés, comme du
pouvoir qu'ils ont eu d'engager l'avenir ».
39. Selon les mots de Lamarque : « Son gouvernement ne fut donc pas une de ces crises passagères
qui n'enfantent que les désordres et ne fondent aucun droit, mais une vraie restauration voulue, opinée,
invoquée par la France entière » (Moniteur universel, 16 septembre 1831, p. 1588) (souligné par nous).
40. Moniteur universel, 13 septembre 1831, p. 1559.
41. S. GEMMA, « Les gouvernements de fait », loc. cit., p. 310 et s.
42. Cette question est initialement soulevée par Denis Larabit lors de la séance du 15 septembre à la
Chambre des députés ; ce dernier souhaite que ces décorations soient prises en compte (Moniteur universel,

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