Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 165

EFFECTIVITÉ
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de Marie‑Louise, qui dérivait de celle de l'Empereur au titre de sa régence, était par
conséquent « limitée, déléguée, temporaire et responsable »54. La légitimité impériale,
sans l'effectivité, ne semble donc pas être suffisante pour conférer la plénitude du
pouvoir. Elle octroie seulement une délégation limitée et, par conséquent, plus fragile
et plus contestable. L'arrêt Procureur général c. Baudoin, un an plus tard, donne l'occasion
à Dupin de rejeter la conception politique du gouvernement de fait, fondée sur
la légitimité55 ; la Cour se range derrière son avis, tout comme la Chambre des députés.
Dans son rapport, Dupin déplore que le défendeur au pourvoi, Baudin, ne voie
dans le gouvernement de Louis‑Philippe Ier
qu'un gouvernement de fait puisqu'il
serait illégitime (ayant renversé la branche aînée des Bourbons). Il s'insurge contre
ce refus de reconnaître l'effectivité du pouvoir et conteste la dichotomie entre usurpateur
et gouvernement de droit, interdisant à un gouvernement issu d'une insurrection
de prétendre un jour entrer dans le droit. Or, c'est ce qu'a fait le gouvernement
de Louis-Phillipe56. Cette affaire fait écho à un discours d'Adolphe Thiers prononcé
peu de temps auparavant à la Chambre des députés, le 5janvier 1833 qui portait justement
sur l'arrestation de la duchesse de Berry. L'orateur y explique que les partisans
de la duchesse considèrent que le pouvoir de Louis-Philippe est issu d'un gouvernement
révolutionnaire, par conséquent dépourvu de toute compétence ou faculté pour
juger Marie‑Caroline de Bourbon‑Sicile. Thiers rejoint Dupin sur sa doctrine, et
considère, au surplus, que quand bien même le gouvernement eût-il été de cette nature
révolutionnaire, il aurait le droit de défendre son pouvoir effectif57. De plus, un gouvernement
de fait peut se muter en gouvernement de droit, hors du cadre simplement
légitimiste, même lorsqu'il est issu d'un soulèvement, comme c'est le cas en
l'espèce58.
257. La critique du légitimisme, comme principe niant l'effectivité, s'affirme
d'autant plus nettement qu'une telle conception interdit la possibilité même pour un
gouvernement de fait d'entrer un jour dans le droit. Dans une affaire jugée devant la
Cour d'assises de la Seine du 13 mai 183259, M. Fleury, directeur de La gazette
de France et M. Fouquet, juge du tribunal de Seine, comparaissent pour une lettre
54. S. 1832, I, p. 296. Dupin ajoute qu'ici « ce n'est pas même de cette régence légale qu'il s'agit, de
cette régence qui comporte tous les actes de gouvernement ; c'est une régence imparfaite, improprement
appelée de ce nom ; c'est une lieutenance en présence de la souveraineté ; c'est une délégation, un simple
mandat. Les règles du mandat doivent s'appliquer ; tout ce qui en excède les termes est nul ».
55. Sur cet arrêt : cf. Partie I - Titre I - Chapitre 1, nº 96.
56. S. 1833, I, p. 568 précit. : « Pour nous, la révolution de Juillet n'est pas un gouvernement de fait ;
c'est un gouvernement de droit. Sa légitimité ne saurait être contestée... ».
57. Moniteur universel, 6janvier 1833, p. 34 : « Nous sommes, ai-je dit, en présence de deux opinions.
L'une, celle des partisans de la prisonnière, nous dit que notre gouvernement, né d'une révolution
qui se continue encore, n'est, comme on a voulu l'insinuer tout-à-l'heure, qu'un gouvernement de fait ;
qu'il n'a pu faire cesser les droits du duc de Bordeaux, et qu'il ne pourrait pas faire juger madame la
duchesse de Berry » ; or, Thiers s'avère très critique de cette conception surannée et injustifiable juridiquement
du gouvernement de fait envisagé comme un usurpateur, puisqu'il ajoute peu après : « Quant au droit
du gouvernement dans cette circonstance, il est inattaquable. Ne serait-il qu'un gouvernement defait, qu'il
aurait le droit, comme tout être collectifou individuel, de se défendre et d'arrêter les ennemis qui viennent
porter la guerre chez lui » (souligné par nous).
58. Ibid. : « Mais heureusement je n'en suis pas là de mes convictions ; je n'en suis pas à regarder le
gouvernement de juillet comme un gouvernement de fait ; il est pour moi un gouvernement de droit ; son
droit est de l'origine la plus pure et la plus sacrée qui fût jamais, il est au-dessus de cette légitimité tant
vantée, il est dans une révolution qui a exprimé d'une manière si terrible, si écrasante et si généreuse en
même tems, la volonté nationale ».
59. Moniteur universel, 17 mai 1832, p. 1212.
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