Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 187

EFFECTIVITÉ
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découle est dirigé par un gouvernement de fait général en son sein jusqu'à la régularisation
de son ordre juridictionnel interne167. Dès lors, lorsque la sécession du gouvernement
de fait local triomphe, le territoire sous son contrôle se transforme en nouvel
État. La proclamation d'une constitution - dans le même temps ou par la suite -
peut même entraîner la formation d'un gouvernement de droit.
297. La situation de guerre civile qui découle d'une tentative de sécession
engendre fatalement des incertitudes sur la nature de l'autorité locale : pour le gouvernement
de l'État duquel il est fait sécession, il ne peut s'agir, a maxima, que d'un
gouvernement effectif, mais de fait168 ou, a minima, que d'une autorité usurpatrice,
qui occupe une portion de son territoire. En revanche, pour le gouvernement local luimême
et ses partisans, sa propre légitimité ne fait aucun doute, voire sa légalité dans
le cas de la promulgation d'une constitution. Seule l'extinction pure et simple de la
situation d'occupation du territoire résultant de la guerre civile permet de réconcilier
ces deux points de vue : soit que l'État duquel il est fait sécession soit vaincu et reconnaisse
la souveraineté de l'entité politique nouvellement créée, soit que l'unité ait été
rétablie par sa victoire. Dès lors, les autorités publiques, au premier chef desquelles
les tribunaux, vont s'efforcer de reconstruire rétroactivement la fiction d'une souveraineté
toujours demeurée une.
B. RECONSTRUCTION DE LA SOUVERAINETÉ
298. Loin d'un cas type sans portée juridique, le gouvernement de fait local
mérite une attention particulière car, une fois la situation normale restaurée, l'autorité
légale et incontestée s'emploie immédiatement à préserver l'idée de continuité de l'État
en dépit de l'insurrection. Dans cette optique, les décisions de justice relatives à certains
de ces gouvernements de fait locaux amènent plusieurs remarques, en ce qu'elles
font rejaillir devant les tribunaux la tension entre fait accompli et ordre public (1)et
montrent l'effort entrepris de s'appuyer sur la fiction juridique de l'unité de la souveraineté
(2).
1. La tension entre fait accompli et ordre public
299. La révolte corse de 1794 a fait l'objet, presque cinquante ans après, d'une
décision de la Cour de cassation du 16 mars 1841, Péraldi c. Ponte169, dont le traitement
permet de confirmer les questions d'insécurité juridique soulevées devant la
Cour et la tentative de balance qu'elle effectue entre fait accompli et ordre public.
Au-delà du débat possible sur la nature - de facto ou fantoche170 - de ce
167. Le Gouvernement provisoire de la République algérienne se présente d'ailleurs comme un gouvernement
en exil, type particulier de gouvernement de fait, accueilli au Caire. V. en ce sens : F. DELPÉRÉE,
« Le gouvernement provisoire », loc. cit., p. 88.
168. Il se peut, en effet, que lors de la sécession d'une portion du territoire, l'État reconnaisse face à
lui un gouvernement de fait local, cela afin de permettre l'application des lois du droit international de la
guerre et de la neutralité ; une pratique impossible en cas de guerre civile : v. en ce sens S. GEMMA, « Les
gouvernements de fait », loc. cit., p. 408.
169. S. 1841, I, p. 505.
170. J. M. P. MCERLEAN, « Le Royaume anglo-corse (1794-1796). Contre-révolution ou continuité
? », AHRF, t. 260, 1985, p. 218-219 et p. 221-222 : les insurgés se placent sous la protection de la
Grande-Bretagne, ce qui fait du royaume de Corse un dominion de celui de George III. Cependant, le gouvernement
bénéficie d'une autonomie institutionnelle propre à le qualifier de gouvernement de fait. Pour
une opinion qui semble pencher davantage du côté d'une Corse sous domination totale de l'Angleterre :

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