Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 197

EFFECTIVITÉ
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implique que le territoire occupé se trouve doté d'un gouvernement, fantoche ou de
facto217.Il s'agit avant tout d'une hypothèse doctrinale qui repose sur une fiction
juridique : la continuation de la souveraineté à l'étranger. Néanmoins, elle ne résulte
pas d'une construction in abstracto, puisqu'elle émerge du contexte particulier de la
première moitié du XX
e siècle et des deux Guerres mondiales qui s'y succèdent. Ces
conflits ont constitué un terrain propice à l'émergence de tels gouvernements, si bien
qu'il n'est pas étonnant que l'une des principales tentatives de conceptualisation du
gouvernement en exil affleure dès les années 1950, sous la plume de Maurice Flory.
Auteur de l'une des seules monographies sur la notion, il prétend ainsi caractériser le
gouvernement en exil à partir de deux éléments cumulatifs : l'exil sur le sol d'un État
étranger causé par une occupation du territoire national et, paradoxalement, le maintien
de la souveraineté du gouvernement réfugié en dépit de l'absence d'effectivité218.
La pseudo‑emprise étatique du gouvernement en exil qui s'exerce depuis le territoire
d'un autre État souverain laisse toutefois perplexe. La délicate articulation des souverainetés
qu'elle induit, tant sur l'État où le gouvernement se réfugie, qu'avec l'État
occupé, n'est pas sans soulever de questions.
B. UNE DIFFICILE RECONNAISSANCE DE COMPÉTENCES
314. La première question est de savoir si la souveraineté de l'État qui l'accueille
ne fait pas obstacle à la reconnaissance de compétences au gouvernement réfugié.
Pragmatiquement, certains gouvernements, comme celui de la République
de Pologne lors de son exil à partir de septembre 1939219, ont fait appel à la notion
ambiguë d'exterritorialité (que l'on retrouve aussi sous le terme d'extraterritorialité)
pour résoudre ce problème220.L'exterritorialité signifie que le gouvernement en exil
n'agirait pas sur le territoire de l'État d'accueil mais sur le sien propre. Cette pratique
vise à bailler une terre au gouvernement réfugié pour qu'il ait fictionnellement une
portion de territoire et, par conséquent, une compétence juridique en dehors de son
État. Elle n'en demeure pas moins confuse : il est difficile de délimiter la compétence
du gouvernement en exil ainsi que ses limites221.C'est pourquoi Maurice Flory propose
une autre solution pour se passer de l'inadéquate théorie de l'exterritorialité. Il
217. Selon une idée déjà évoquée en amont de ce chapitre : cf. supra, nº 268. V. aussi : M. FLORY, Le
statut international des gouvernements réfugiés..., op. cit., p. 17. Cependant, Maurice Flory ne semble pas
distinguer pouvoir de fait et gouvernement fantoche, ce qui est fait dans cette étude.
218. « Quitter son territoire pour gagner la guerre, vivre sur le sol d'un État souverain et sauvegarder
sa propre souveraineté, être reconnu gouvernement sans territoire ni population, telle est la situation paradoxale
des gouvernements en exil », M. FLORY, Le statut international des gouvernements réfugiés..., op.
cit.,p. 1.
219. V. sur ce gouvernement : E. MCGILVRAY, A military government in exile. The Polish Government
in Exile, 1939-1945, a study of discontent, Solihull, Helion & Company Ltd, 2010, passim, notamment
p. 38 et s. ; A. IWAŃSKA, Exiled Governments : Spanish and Polish. An Essay in Political Sociology, Cambridge,
Mass. Schenkman, 1981, passim.
220. S. SALMONOWICZ, « Les autorités de la Pologne en exil et l'État clandestin polonais », GMCC,
t. 261/1, 2016, p. 29. Toutefois, le Lexique des termes juridiques établit aujourd'hui une nette distinction
entre l'exterritorialité et l'extraterritorialité : Lexique des termes juridiques 2019-2020, éd. S. GUINCHARD,
T. DEBARD, Paris, Dalloz, 2019, vº Exterritorialité, p. 480 et vº Extraterritorialité, p. 481.
221. M. FLORY, Le statut international des gouvernements réfugiés..., op. cit., p. 20-21. Cette pratique
a donc été presque abandonnée, la notion d'extraterritorialité n'étant plus usitée aujourd'hui que pour qualifier
l'immunité qui peut exempter un fonctionnaire ou une ambassade de la juridiction d'un État :
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2018, vº Exterritorialité, p. 443. On se référera davantage,
aujourd'hui, à l'extraterritorialité des normes pour qualifier des actes juridiques qui prétendent « régir des
conduites, statuer sur des situations, ou prendre en considération des faits extérieurs au

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