Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 25

INTRODUCTION
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opportune ». Il en conclut que : « [l]a reconnaissance est un acte politique »46. Il faut
donc s'intéresser aux mécanismes de fonctionnement d'une reconnaissance interne du
gouvernement de fait47 et, partant, de ce qui a présidé à leur détermination. Pour ce
faire, il apparaît pertinent de se pencher sur l'histoire constitutionnelle française.
18. L'histoire constitutionnelle française. En France, le concept de gouvernement
de fait est le résultat d'équivoques, de luttes de pouvoirs et d'incertitudes politiques
et juridiques ; s'il est mobilisé devant et par les cours de justice, il ne fait pas
l'objet d'une consécration formelle (ni même réellement matérielle). L'embarras des
autorités publiques est manifeste. Ce concept connaît une évolution interne qui lui est
propre, parfois marquée par les exemples internationaux, mais qui résulte la plupart
du temps des transformations du droit constitutionnel et des changements de perception
des acteurs. L'intérêt d'une étude du phénomène des transitions constitutionnelles
centrée sur l'État en France n'est alors pas de raisonner dans l'abstrait ou de déceler
une notion universelle de gouvernement de fait, mais de mettre en lumière les rapports
entre la pratique gouvernementale dans l'État et le droit qui en découle, ainsi que les
lectures que ces relations ont pu susciter. Cette étude se propose de partir à la quête de
la construction d'un conceptjuridique de gouvernement de fait en France, à partir des
données fournies par l'histoire constitutionnelle.
19. Une étude française du concept de gouvernement de fait, qui se définit par
son absence de titre juridique, s'insère dans le sillon du légicentrisme et suit le développement
du droit constitutionnel contemporain. Il importe d'entamer les recherches
à partir de la Révolution française, d'autant que la première occurrence trouvée de la
formule résulte d'un discours de Jean‑Joseph Mounier du 9juillet 178948. En outre, le
concept de gouvernement de fait ne paraît pas avoir été opérant dans l'ancien droit,
dont l'architecture constitutionnelle répondait à un paradigme différent. Ainsi, en
France, le gouvernement de fait s'est déployé en relation directe avec la notion de
constitution - et d'illégalité constitutionnelle - et celle d'État au sens
contemporain49. Ce concept se singularise donc d'autres solutions qui ont pu exister
avant la Révolution pour préserver l'État des ruptures dans l'ordre légitime de succession,
comme la régence. Par la suite, le XIX
e siècle offre de nombreuses études de cas
autour desquelles différents acteurs vont débattre et permettre d'affiner ce concept. La
Restauration en connaît une utilisation spécifique50, qui évolue sous la Monarchie
de Juillet, la Seconde République et le Second Empire51. Les bouleversements politico-juridiques
de 1870‑1875 - de la chute de l'Empire à la promulgation des trois
46. G. BURDEAU, Traité de science politique,t. IV, op. cit., p. 575.
47. Par ailleurs, Gemma prend bien soin de distinguer les questions qui relèvent du droit international
de celles qui sont spécifiques au droit constitutionnel, en précisant que « les deux légitimations, celles de
droit interne et celle de droit international, sont absolument indépendantes, de sorte que l'une ne peut
influencer l'autre. Rien n'empêche qu'un gouvernement tout à fait affermi et fonctionnant régulièrement
depuis longtemps, soit encore ignoré par des États étrangers et rien n'empêche aussi d'admettre l'hypothèse
contraire » (ibid., p. 332).
48. A.P., 8, 214.
49. Sur ce point : G. BIGOT, « La théorie de l'État en France face à son histoire », Pouvoirs, t. 177,
2021, p. 5‑15.
50. Dans une perspective politique, le gouvernement de fait est identifié à la notion d'usurpation,
dont la conséquence juridique est la nullité : cf. Partie I - Titre I - Chapitre 1, nº 75 et s.
51. V. la thèse de Raymond Gaudu, du début du XX
e siècle, qui s'attarde notamment sur les périodes
1814‑1816, 1830, 1848, 1851 ou encore 1870-1875. R. GAUDU, Essai sur la légitimité des
gouvernements..., op. cit., passim.

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