Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 346

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LE GOUVERNEMENT DE FAIT DE LA RÉVOLUTION À LA LIBÉRATION
avec détermination, dans la mesure où il exerce le pouvoir constituant dans l'objectif.
Deux cas de figure se présentent : les gouvernements de fait qui, probablement conscients
de leur fébrilité ou de l'incertitude de leur compétence, renoncent à exercer le
pouvoir constituant, au profit d'une autorité convoquée dans cet objectif(1) ; et ceux
qui l'exercent eux‑mêmes, pour élaborer et promulguer la constitution définitive de
l'État (2).
1. Le procédé démocratique : la transmission du pouvoir constituant
549. Le gouvernement de fait qui, loin de capter le pouvoir constituant, prévoit
rapidement la réunion d'une autorité chargée spécifiquement de l'exercer à sa place,
constitue le premier cas de figure qui se présente dans l'histoire constitutionnelle française
depuis 1789. Le plus fréquemment, il s'agit de la réunion d'une Assemblée
constituante, mais pas toujours. Ainsi, la Commission municipale provisoire de
1830 gouverne un nombre très restreint de jours (du 29 au 31juillet), pour laisser
rapidement sa place au duc d'Orléans qui se charge d'exercer une Lieutenance générale
jusqu'à la révision de la Charte208. Cependant, en France, le procédé de transmission
du pouvoir constituant par le gouvernement de fait demeure, le plus souvent, la
réunion d'une Assemblée qui l'exercera à sa place. Il s'est présenté au moins trois
fois : pour la Convention nationale du 20 septembre 1792, pour l'Assemblée nationale
du 4 mai 1848 et pour l'Assemblée nationale constituante du 12 février 1871209.
550. Le cas de la Convention est particulier, car celle-ci n'est pas à proprement
parler convoquée par l'organe de gouvernement au sens strict (le Conseil exécutif
provisoire mis en place le 15 août 1792210), mais par l'Assemblée législative, dans
son décret du 10 août 1792211, qui résulte des nombreux conflits intérieurs comme
extérieurs et, spécifiquement pour cette journée, de l'invasion des Tuileries212.La
nuance est de faible importance puisque depuis le 10 août et la suspension du Roi,
le pouvoir exécutif l'est également, en marge de tout cadre légal213 ; il est alors possible
de considérer que l'État est régi par un gouvernement de fait. Conscients de la
situation d'exception, les gouvernants, principalement par la voix de Condorcet au
nom de la Commission extraordinaire des Douze214,s'empressent de prévoir la réunion
d'une assemblée qui pourra être dépositaire du pouvoir constituant et, par conséquent,
doter la France d'une nouvelle constitution pour pérenniser le régime. Ce
caractère provisoire assumé, la réunion prochaine d'une assemblée légitime
208. À ce sujet : cf. Partie I - Titre I - Chapitre 2, nº 180 et s.
209. L'Assemblée constituante de 1789 est mise de côté ici car le cas est très particulier : elle se
proclame elle‑même constituante le 9juillet 1789, elle n'est pas réunie par un gouvernement de fait qui lui
précède. De même, la situation en 1944 est assez différente, puisque l'assemblée réunie est consultative et
n'est pas constituante.
210. A. LE PILLOUER, Les pouvoirs non‑constituants des assemblées constituantes, op. cit., p. 170.
211. Décret du 10 août 1792 (Moniteur universel, 12 août 1792, p. 944-945).
212. Sur la situation institutionnelle de la France et sur les nombreux débats qui conduisirent à la
suspension du roi : F. SAINT‑BONNET, L'État d'exception, op. cit., p. 291 et s.
213. La suspension de l'exécutif est en effet prévue par la Constitution de 1791, mais pas pour le cas
à propos duquel elle est mise en œuvre. L'art. 7, Sect. I du chapitre consacré à la Royauté ne vise en effet
que le cas où le roi aurait quitté le territoire et refuserait d'y faire retour au moins deux mois après la
proclamation de son absence et consiste en un constat de son abdication. Pour plus de détails :
F. SAINT‑BONNET, L'État d'exception, op. cit., p. 298 et s.
214. La Commission extraordinaire des douze est créée le 17juin 1792. Elle a notamment pour but
de dresser « le tableau des maux qui désolent la patrie, de leurs causes, et des mesures propres à dissiper
l'orage qui se profile » (A.P., 45, 326).
http://www.Tuileries212.La
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