Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 170 - Le gouvernement de fait de la Révolution à la Libération - 88

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LE GOUVERNEMENT DE FAIT DE LA RÉVOLUTION À LA LIBÉRATION
probable, le résultat beaucoup moins certain194.Si l'ordonnance du 9 août 1944 proclame,
sur le principe, l'inexistence et la nullité du gouvernement, le régime juridique
qu'elle met en place est bien plus ambigu et se rapproche davantage de celui d'un
gouvernement de fait195 ; de plus, les termes de gouvernement et d'autorité de fait
sont tous deux utilisés indistinctement pour qualifier Vichy dans la législation du
GPRF196, ce qui semble s'opposer à la consécration de deux concepts clairement distincts.
En réalité, la démarche des autorités de restauration de la légalité républicaine
fut simplement pragmatique : faire remonter l'illégalité du gouvernent et de ses actes
au 16juin 1940, afin notamment de pouvoir prononcer l'invalidité de l'armistice
signé par son gouvernement - quand bien même il fut tout à fait régulier sur le plan
formel -, importa davantage que toute démarche dogmatique197.
129. Cependant, à partir de 1952, le Conseil d'État adopte une lecture politique
des événements et des textes et fait un choix entre ces interprétations possibles, en
assimilant juridiquement Vichy à un gouvernement usurpateur. Dès lors, en tentant
d'aller jusqu'au bout d'une logique de catharsis par l'oubli, la jurisprudence s'efforce
d'effacer des institutions une « parenthèse constitutionnelle »198 en prenant l'ordonnance
du 9 août 1944 au pied de la lettre. Malgré un revirement de cette jurisprudence
avec les arrêts Pelletier en 2001 et Papon en 2002, qui reconnaissent la responsabilité
de l'administration pour des agissements perpétrés durant l'occupation, le rattachement
du gouvernement de Vichy à l'État n'est pas immédiatement établi199. Dans l'arrêt
Papon, l'administration est bien présente et le Conseil d'État précise que la faute
de service, dont il est question dans l'espèce, peut engager la responsabilité de
l'État200. En revanche, aucun rattachement explicite n'est opéré entre l'État et Vichy :
en ce qui concerne le Conseil d'État, Vichy n'a jamais été un gouvernement de l'État
français quoiqu'il en assume tout de même la responsabilité201.L'avis du Conseil
194. V. en ce sens : E. CARTIER, La transition constitutionnelle en France (1940-1945)..., op. cit.,
p. 204 et s. et p. 222 et s. L'auteur affirme que la solution retenue par les autorités de restauration de la légalité
républicaine est en rupture avec la théorie du gouvernement de fait et qu'elle se place plutôt dans le
sillon d'une interprétation de Vichy comme d'une usurpation. Toutefois, il reconnaît que cette qualification
est « contraire aux critères de l'usurpation » (ibid., p 223).
195. En ce sens, cf. Partie II - Titre I - Chapitre 1, nº 468 et s.
196. En effet, plusieurs actes du GPRF emploient indépendamment le terme de « gouvernement de
fait » ou d' « autorité de fait se disant gouvernement de l'État français ». Par exemple, une ordonnance du
GPRF du 25 avril 1945 validant les actes promulgués postérieurement au 16juin 1940 relatifs au régime
spécial des retraites des ouvriers mineurs et assimilés, de leurs veuves et de leurs orphelins (S. 1945, lois,
décrets, avis du Conseil d'État, p. 1833).
197. Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux ne manquent pas de relever que du point de vue du
GPRF, il s'agit là d'une « thèse juridiquement contestable mais politiquement nécessaire » (B. MATHIEU,
M. VERPEAUX, « La transition juridique : l'ordonnance du 9 août 1944 », Le rétablissement de la légalité
républicaine (1944), éd. FONDATION CHARLES DEGAULLE, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996, p. 806).
198. Une vision des choses que l'on retrouve parfois encore aujourd'hui. Sur le site internet de la
Direction de l'information légale et administrative, le gouvernement de Vichy y est encore mentionné
comme une parenthèse constitutionnelle, de manière nuancée toutefois (en ligne : https://www.viepublique.fr/fiches/268978-regime-de-vichy-et-resistance-1940-1944).
Ce point de vue est cependant largement
remis en cause. Par exemple, v. J. ‑P. AZÉMA, « Vichy. La République entre parenthèses », Tous républicains
! Origine et modernité des valeurs républicaines, éd. R. BELOT, Paris, Armand Colin, 2011
(Recherches), p. 57‑60 ; E. CARTIER, La transition constitutionnelle en France..., op. cit., p. 567.
199. CE, 6 avril 2001, Pelletier et autres (Rec. CE 2001, p. 173) ; CE, 12 avril 2002, Papon (Rec. CE
2002, p. 139).
200. Rec. CE 2002, p. 139.
201. V. en ce sens : H. RASSAFI-GUIBAL, « Une histoire de France par le Conseil d'État. À propos de la
qualification d'archives publiques des télégrammes du Général de Gaulle, Note sous CE, Ass., 13 avril

http://www.certain194.Si https://www.vie http://www.publique.fr/fiches/268978-regime-de-vichy-et-resistance-1940-1944

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