Bibliothèque de droit privé - Tome 648 - La date certaine - 334

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LA DATE CERTAINE
sanctions fiscales (intérêts de retard, amendes...) mais non des sanctions civiles.
(...) L'enregistrement n'est pas une formalité de publicité ; les actes non enregistrés,
même si la loi impose cette formalité, ne sont pas affectés dans leur existence
juridique ; ils sont opposables à l'administration fiscale comme ils le sont
aux autres tiers. Encore faut-il que la preuve de ces actes puisse être régulièrement
apportée »420
.
Le débat devant l'administration fiscale pour ces actes non soumis à une
formalité de publicité pour leur opposabilité redevient donc purement probatoire.
Il porte sur l'existence et la date de l'acte : c'est ainsi au contribuable de prouver
l'existence et la date de l'acte qu'il oppose à l'administration fiscale, ce qu'il peut
faire par tous moyens421
. « Il peut le faire librement sans qu'on lui oppose aucun
obstacle tenant à un rituel ou à un formalisme. On lui demande seulement d'être
crédible, de convaincre l'administration ou, à défaut, le juge. Peu importe dès lors
que l'acte soit écrit ou oral, qu'il ait date certaine ou non, qu'il soit enregistré ou
non »422
. Cette logique est souvent rappelée, aussi bien en matière de fiscalité des
particuliers qu'en matière de fiscalité des entreprises423
. Ce qui a conduit Cozian
à conclure ainsi : « un acte nu, même si la loi impose la formalité fiscale de l'enregistrement,
peut être opposé à l'administration si son existence ne peut être niée »424
.
Et d'observer que : « certes, dans certaines décisions, les juges décident qu'un acte
non enregistré n'est pas opposable à l'administration, faute de date certaine (...) ;
la formule est manifestement mal venue, car ce qui est en cause, c'est la preuve même
de l'existence de l'acte et non son opposabilité »425
. Cette remarque fort juste
420. M. Cozian, art. préc., n° 20, 22 et 23. Également : O. Debat, « La preuve et le bon sens »,
RFP 2019, 8 : « De son côté, l'Administration ne peut se contenter d'arguer qu'un acte n'a pas été enregistré
pour dire qu'il ne lui est pas opposable et interdire ce faisant toute preuve. Le juge est là pour
déterminer la vérité des faits. Dès lors, le contribuable doit pouvoir établir par tous moyens l'existence et
la date de l'acte ».
421. Chr. de la Mardière, « La preuve en droit fiscal », in C. Puigelier (dir.), La preuve,
Economica, coll. Études juridiques, 2004 : « La preuve en droit fiscal suit les principes qui gouvernent
le contentieux administratif. Même si la loi est intervenue pour désigner qui, de l'administration des
impôts ou du contribuable, doit en supporter la charge, le système retenu n'est pas celui de la preuve
légale mais de la preuve morale, attachée à l'intime conviction du juge : lui seul admet la force probante
des éléments qu'on lui soumet, tous les modes de preuve sont admis et il n'y a pas de hiérarchie entre eux.
Ce système vaut tant pour le juge administratif que le juge judiciaire de l'impôt, car le législateur a voulu
que les règles de la procédure fiscale fussent les mêmes quel que soit l'ordre de juridiction compétent ;
dans le domaine de l'impôt, le juge judiciaire doit donc suivre les principes du contentieux
administratif ».
422. M. Cozian, art. préc., n° 26.
423. M. Cozian, art. préc., n° 27 et s.
424. M. Cozian, art. préc., n° 31. L'auteur poursuit, aux n° 32 et n° 35 : « En fin de compte,
qu'il s'agisse des relations familiales ou de relations d'affaires, c'est la souplesse et le pragmatisme qui
caractérisent l'attitude du juge fiscal dans le domaine de l'opposabilité des actes sous seing privé.
Certes, un écrit en bonne et due forme est une sage précaution ; même non enregistré, il peut néanmoins
être opposé à l'administration, y compris lorsque la loi exige qu'il soit soumis à la formalité de l'enregistrement.
Mais ce n'est pas une preuve absolue, car il peut avoir été fabriqué après coup pour les
besoins de la cause. À l'inverse, les juges acceptent l'opposabilité d'actes non consignés par écrit si leur
existence paraît vraisemblable ; ils ne se laissent pas enfermer dans un juridisme et un formalisme
étriqués qui heurteraient la vraisemblance et l'équité. (...) La position de l'administration à l'égard des
actes que lui oppose le contribuable ne saurait être ramenée à l'une ou l'autre des catégories que
connaît le droit privé : parties, tiers, créanciers, ayants cause à titre particulier, ayants cause à titre
universel... Cela ne saurait surprendre, car dans sa mission régalienne d'agent taxateur elle est unique
en son genre ».
425. M. Cozian, art. préc., n° 23.

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