Bibliothèque de droit privé - Tome 648 - La date certaine - 341

LES CONFLITS
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prévu lorsque la transmission du bien ayant donné lieu à réduction d'impôt
montre un caractère intercalaire du point de vue fiscal. En effet, cette reprise
n'a pas lieu sous deux conditions cumulatives : si ce bien est transféré dans le
cadre d'une transmission à titre gratuit d'une entreprise individuelle ou d'un
apport à société d'une entreprise individuelle (ou d'une branche complète d'activité
de cette entreprise) et « si le bénéficiaire de la transmission s'engage à
conserver ces biens et à maintenir leur affectation initiale pendant la fraction du
délai de conservation restant à courir »452
. Pour prouver cet engagement à l'administration
fiscale, il doit être pris dans l'acte constatant la transmission ou,
« à défaut, dans un acte sous seing privé ayant date certaine, établi à cette occasion
»453
. La logique de cette disposition est aisée à comprendre. Si l'engagement
est pris dans l'acte de transmission, il est indéniable que le bénéficiaire a
pris cet engagement au même moment : le même acte renferme la transmission
et l'engagement pris. Or cet acte, comme tout acte non soumis à une formalité
spéciale de publicité à fin d'opposabilité, est opposable à l'administration fiscale.
Il faut simplement que le justiciable soit en mesure de prouver son existence
et sa date à l'égard de l'administration, ce qu'il peut faire par tous
moyens454
.
Toutefois, si l'engagement n'est pas pris dans l'acte de transmission, il est
tout aussi nécessaire de pouvoir le prouver à l'administration fiscale. Or comment
cette dernière peut-elle être certaine que l'engagement n'a pas été antidaté afin de
le rendre concomitant à la transmission ? La seule solution est d'avoir un acte qui
détient une date certaine car celle-ci sera certifiée de manière objective et opposable
à l'administration fiscale. Ce n'est pas une antériorité au sens strict du terme
ici mais une concomitance. La date certaine doit être une date qui correspond ou,
du moins, s'approche de celle de l'acte de transmission afin que l'on soit certain
que l'engagement a été pris « à cette occasion ». Elle joue donc un rôle classique
et original à la fois. Classique car il s'agit pour le redevable de l'impôt de prouver
l'un des modes d'acquisition de la date certaine à l'égard d'un tiers (l'administration
fiscale en tant que représentante de l'ensemble des contribuables) pour opposer
les effets d'un acte : l'engagement pris par le contribuable. Original à double
titre, car plutôt qu'une antériorité traditionnelle, c'est une simultanéité qui est
nécessaire455
, et parce qu'une preuve renforcée par rapport aux règles classiques
d'opposabilité des actes sous signature privée à l'administration fiscale est ici
attendue. La singularité de cet appel à la date certaine en matière fiscale transparaît
ainsi : la situation fiscale en jeu peut être assimilée à un conflit de droits
concurrents entre le redevable de l'impôt et l'ensemble des contribuables ; le
contribuable bénéficiant de l'avantage fiscal doit pouvoir justifier du bien-fondé
de ce bénéfice à l'égard de tous ceux qui ont un intérêt concurrent, c'est-à-dire
tous les autres contribuables qui seraient indirectement et injustement désavantagés
si le bénéfice était octroyé sans motif. L'utilisation ainsi opérée de la date
certaine en matière fiscale ne choque alors en rien puisque le mécanisme n'est pas
malmené, bien au contraire.
452. Art. 199 undecies B, I, al. 24, CGI.
453. Art. 199 undecies B, I, al. 24, CGI.
454. Cf. n° 314.
455. Celle-ci ne bouleverse en rien la nature et le rôle de la date certaine. Ce n'est qu'en cas de
postériorité (et donc de risque de postdate) que la date certaine ne peut pas être utile.

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