Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 171 - La représentation coutumière en droit constitutionnel canadien et français - 101

LA RECONNAISSANCE AMBIVALENTE DE LA REPRÉSENTATION COUTUMIÈRE
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l'arrivée des colons sur le territoire précède la conclusion de traités, mais aussi
l'assujettissement des populations autochtones auxquelles l'imposition de règles
s'effectue de façon plus ou moins négociée. En d'autres termes, « conquête, conclusion
de traités et mise en place des institutions du pouvoir colonial ont scandé
l'histoire coloniale »185
.
138. Des procédés similaires se retrouvent dans l'utilisation des systèmes
représentatifs coutumiers par les autorités françaises. Comme dans toute entreprise
coloniale, cet appui sur des structures politiques jusqu'alors inconnues ne
peut se passer des connaissances des acteurs coloniaux sur le terrain, qu'ils soient
explorateurs, missionnaires ou militaires. Joseph Gallieni, gouverneur du
Soudan, de Madagascar et théoricien du droit colonial précise que « l'action
politique tire sa plus grande force de la connaissance du pays et de ses habitants :
c'est à ce but que doivent tendre les premiers efforts de tout commandant territorial
»186
. Ainsi, par les analyses rédigées à destination des ministères ou des
autorités ecclésiastiques, la compréhension des systèmes représentatifs coutumiers
précède leur reconnaissance juridique. Ces écrits sont particulièrement
intéressants : ils reflètent la conception qu'ont les autorités coloniales de la
représentation coutumière. C'est sur le fondement de ces informations que les
autorités coloniales dressent des stratégies d'implantation et s'allient avec les
chefs autochtones de certaines régions.
139. Néanmoins, tout comme pour les sources concernant la Nouvelle-France,
ces écrits sont à lire avec un certain recul scientifique, puisqu'ils sont parfois rédigés
à dessein d'attirer les populations métropolitaines ou la protection du gouvernement
dans certaines colonies. Il faut alors les analyser pour ce qu'elles servent
dans cette démonstration : des témoignages sur l'existence de systèmes représentatifs
précoloniaux connus, parfois reconnus et précédant l'imposition d'un système
colonial tout autre. Pour la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et les îles de
Wallis et Futuna, la compréhension des systèmes représentatifs coutumiers par les
acteurs coloniaux se construit, en amont des traités d'alliance, de façon intéressée,
dans un contexte de forte concurrence hégémonique (§ 1). Les conventions
conclues avec les autorités représentatives traditionnelles s'expliquent alors par le
besoin d'alliés dans l'implantation des statuts de droit colonial et le gouvernement
des territoires (§ 2).
§ 1. LA COMPRÉHENSION INTÉRESSÉE
DES SYSTÈMES REPRÉSENTATIFS COUTUMIERS
140. Durant le Second Empire colonial, l'intérêt porté aux systèmes représentatifs
coutumiers est motivé par plusieurs facteurs. En Guyane, il est fondé sur
le besoin de stabiliser la conquête du territoire, sur lequel la domination française
185. Emmanuelle Saada, « Penser le fait colonial à travers le droit en 1900 », art. cit., p. 116.
186. Joseph Gallieni, Rapport d'ensemble sur la pacification, l'organisation et la colonisation
de Madagascar, (octobre 1896 - mars 1899), Paris, Éd. Henri Charles-Lavauzelle, 1900,
p. 30. Il écrit également « C'est l'étude des races qui occupent une région, qui détermine l'organisation
politique à lui donner, les moyens à employer pour sa pacification. Un officier qui a réussi
à dresser une carte ethnographique suffisamment exacte du territoire qu'il commande est bien
près d'en avoir obtenu la pacification complète, suivie bientôt de l'organisation qui lui conviendra
le mieux. ». Voir, Joseph Gallieni, Trois colonnes au Tonkin (1894-1895), Paris, Chapelot,
1899, p. 154.

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