Bibliothèque de droit privé - Tome 653 - Recherche de la causalité et incertitudes scientifiques en droit de la responsabilité civile - 265

LA DÉLIMITATION DE L'INCERTITUDE
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418. La distinction entre causalités générale et spéciale est en définitive indispensable.
C'est au stade de l'appréciation de la causalité générale que l'on détecte
l'incertitude scientifique, et il appartient alors au droit de faire un choix entre
deux options : soit, considérer que l'incertitude scientifique équivaut à une
absence de causalité générale et refuser la causalité juridique ainsi que la responsabilité
civile ; soit considérer que l'incertitude scientifique empêche de savoir si la
causalité générale existe ou non, et admettre temporairement que jusqu'à ce que
soit résorbée cette incertitude, la causalité juridique puisse être considérée comme
admise, ou au moins présumée. Nous nous inspirerons ultérieurement de cette
décision pour proposer une solution fondée sur une double présomption de causalité
matérielle générale et spéciale, qui selon nous, offre un moyen de concilier
indemnisation des victimes d'un côté, et absence de discordance entre discours
juridique et scientifique de l'autre144
.
C. LE VACCIN ROR
419. Omnibus Autism Proceeding (rappel). Rappelons qu'il a été permis aux
demandeurs ne répondant pas aux conditions du tableau prévu par le National
Childhood Vaccine Injury Act de 1986 (permettant de présumer la causalité en ce
qui concerne certaines maladies déterminées) de former des demandes devant un
Office of Special Master of the U.S. Court of Federal Claims et de prouver la causalité
par référence à la balance des probabilités145
. Sur ce fondement, et au sein de
cet Office of Special Masters of the U.S. Court of Federal Claims, a été créé en 2002
l'Omnibus Autism Proceeding pour connaître de six « test cases » sélectionnés pour
déterminer s'il existait ou non un lien de causalité entre le vaccin ROR (plus précisément
: le vaccin contre la rougeole, composante de ce vaccin trivalent) et l'autisme
et des troubles gastro-intestinaux subis par des enfants146
étaient déterminantes pour l'issue de plus de cinq-mille autres demandes147
. Ces six décisions
.
420. Plus précisément, l'examen de ces six demandes avait pour objectif premier
de prendre une décision sur l'existence de la causalité générale. Plusieurs
théories furent avancées par les parents ayant initié des actions au nom de leurs
enfants. Premièrement, dans les trois premières décisions rendues, fut avancée
l'hypothèse selon laquelle le vaccin ROR, lorsque combiné avec des vaccins composés
de thiomersal (un adjuvant)148
, était capable de causer l'autisme et des
troubles gastro-intestinaux. La théorie soutenue par les demandeurs était la suivante
: le thiomersal affaiblirait le système immunitaire, ce qui permettrait au
virus de la rougeole contenu dans le vaccin ROR de survivre dans le corps de
l'enfant, et de causer l'autisme et les troubles gastro-intestinaux. Deuxièmement,
les demandeurs soutenaient dans les trois dernières décisions rendues que les
144. V. infra, n° 459 et s.
145. V. supra, n° 336.
146. Cedillo v. Secretary of Health and Human Services 2009 WL 331968 ; Snyder v. Secretary
of Health and Human Services 2009 WL 332044 ; Hazlehurst v. Secretary of Health and Human
Services 2009 WL 332044 ; Mead v. Secretary of Health and Human Services 2010 WL 892248 ; Dwyer
v. Secretry of Health and Human Services 2010 WL 892250 ; King v. Secretary of Health and Human
Services 2010 WL 892296.
147. Sur ce contentieux, v. une description très détaillée de R. Goldberg, Medicinal Product
Liability and Regulation, op. cit., p. 117 et s. V. aussi R. Goldberg, « Vaccine Damage and Causation:
Franco-American comparaison », op. cit., p. 134.
148. V. supra, n° 253.

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