Bibliothèque de droit privé - Tome 653 - Recherche de la causalité et incertitudes scientifiques en droit de la responsabilité civile - 277

LE DÉPASSEMENT DE L'INCERTITUDE
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437. C'est ce qu'elle fit dans un arrêt rendu le 29 mai 201320
à propos d'une
requérante ayant souffert d'une sclérose en plaques diagnostiquée deux ans après
sa dernière injection de vaccin contre l'hépatite B. En l'espèce, les juges du fond,
approuvés par les juges du droit, avaient accepté la possibilité de présumer la participation
du produit au dommage, mais avaient choisi de ne pas le faire en se
fondant à la fois sur la quasi-unanimité des experts « pour conclure qu'un lien de
causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques ne pouvait être démontré »,
et sur des éléments propres à la demanderesse21
. Comme pour les décisions rendues
en matière de présomption de défaut et de présomption de causalité entre le
défaut et le dommage, la Cour de cassation laisse les juridictions souveraines
quant à la façon de mettre en œuvre ou pas la présomption de causalité entre
l'utilisation du produit et le dommage. La solution est donc critiquable à plusieurs
égards. D'une part, les indices permettant de présumer ou non la causalité entre
l'utilisation et le produit et le dommage n'étant pas plus contrôlés par la Cour de
cassation que pour la causalité entre le défaut et le dommage, on retrouve le même
danger relatif à des divergences potentielles de solutions concernant des demandeurs
se trouvant dans des situations pourtant identiques. D'autre part, s'il n'est
pas problématique que la causalité entre l'utilisation du produit et le dommage
soit prise en compte dans le processus décisionnel, il faut impérativement qu'elle
le soit systématiquement, et de la même manière. Une clarification des différentes
étapes du raisonnement pour surmonter les incertitudes scientifiques est donc
nécessaire : il faut que soit précisé ce qui peut exactement être présumé, c'est-à-dire
la causalité générale entre l'utilisation du produit et le dommage, la causalité spéciale
entre l'utilisation du produit et le dommage, le défaut, la causalité générale
entre le défaut et le dommage, la causalité spéciale entre le défaut et le dommage.
438. Confusion de la causalité entre l'utilisation du produit et le dommage et
celle entre le défaut du produit et le dommage. Une décision rendue quelques mois
plus tard est venue confirmer que la Cour de cassation permettait aux juges du
fond de retenir une présomption de causalité entre l'utilisation du produit et le
dommage22
. Une cour d'appel avait accepté de présumer le lien de causalité entre
treize injections de vaccin contre l'hépatite B intervenues entre 1986 et 1993 (les
injections avaient été répétées car la patiente ne développait pas d'anticorps) et la
sclérose en plaques de la requérante en se fondant sur « [son] état antérieur, son
droit du patient, au motif que le défaut du produit n'avait pas été établi et que la seule implication du
produit dans la réalisation du dommage ne suffisait pas à mettre en jeu la responsabilité du producteur.
La Haute juridiction reprocha à la cour d'appel de ne pas avoir examiné si les indices retenus
pour présumer la causalité ne pouvaient pas l'être aussi pour présumer le défaut : il s'agit d'une position
très favorable pour les demandeurs qui peuvent alors rapporter simultanément la preuve par
présomptions de la causalité et du défaut.
20. Cass. 1re
civ., 29 mai 2013, n° 12-20903, Bull. civ. I, n° 116, D., 2013, p. 1723, note
Ph. Brun ; D., 2013, p. 1717, note J.-S. Borghetti ; RTD. civ., 2013, p. 625, note P. Jourdain.
21. La cour d'appel considéra la chronologie entre la vaccination et les symptômes comme
pouvant relever d'une « simple coïncidence », que « l'absence de manifestations antérieures de la
maladie et de toute autre cause possible envisageable était elle-même de faible valeur probante », que
« l'apparition spontanée de la maladie à l'âge de 17 ans, dénuée de caractère exceptionnel, n'était pas
un élément déterminant en l'espèce » et enfin que « la maladie frappant l'oncle de Mme... X pouvait
s'interpréter aussi bien en faveur d'une présomption de causalité qu'en faveur d'une prédisposition
congénitale en dehors de tout contexte vaccinal ».
22. Cass. 1re
civ., 10 juillet 2013, n° 12-21314, Bull. civ. I, n° 157, D., 2013, p. 2306, avis
Ch. Mellottée ; D., 2013, p. 2312, note Ph. Brun ; D., 2013, p. 2315, note J.-S. Borghetti ; RTD. civ.,
2013, p. 852, note P. Jourdain ; RDC, 2014, p. 37, note G. Viney.
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