Bibliothèque de droit privé - Tome 654 - Méthodes du droit transitoire en matière civile - 114

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MÉTHODES DU DROIT TRANSITOIRE EN MATIÈRE CIVILE
cassation n'a pas pour autant abandonné celle des droits acquis comme en
témoigne un arrêt de 1962. La protection des droits acquis s'est trouvée posée
comme une condition à l'effet immédiat :
« Si la loi nouvelle de caractère impératif s'applique, en principe, même
aux situations établies ou aux rapports juridiques formes avant sa promulgation,
c'est à la condition de ne point léser les droits acquis »10
.
Outre la considération tenant au « caractère impératif » de la loi nouvelle qui
vise ici à lui permettre d'atteindre les situations antérieures à son entrée en vigueur,
le respect des droits acquis se trouve, dans cet arrêt, posé comme une condition
pour l'application immédiate de la loi nouvelle.
La condition de l'application immédiate de la loi nouvelle à une situation en
cours est de « ne point léser les droits acquis », ces derniers se présentant alors
comme un obstacle à l'effet immédiat. Le rapport de principe à exception se manifeste
ici encore.
L'exception indique ce qui est hors de prise de la règle11
: si la loi nouvelle
s'applique aux situations juridiques en cours sous réserve de l'atteinte à un droit
acquis, c'est non seulement qu'une théorie n'a pas supplanté l'autre, mais c'est au
contraire qu'elles semblent bien se coordonner, l'une arrêtant les excès de l'autre.
107. Juxtaposition et exception. Les deux théories fonctionneraient donc
comme deux normes dont l'une ferait exception à l'autre : le principe serait l'effet
immédiat ; l'exception serait la reconnaissance d'un droit acquis.
Il ne faut pas s'en étonner en ce que l'une des finalités d'une exception est
justement de permettre la hiérarchisation de principes ou de valeurs contradictoires12
:
la théorie des droits acquis contrebalancerait celle de l'effet immédiat.
Un tel constat mènerait alors à estimer la juxtaposition insuffisante à qualifier
le rapport entre les deux théories, et qu'il y aurait justement entre elles un lien
particulier.
108. Réfutation. Ce constat doit pourtant être immédiatement relativisé.
Premièrement, la notion même de droit acquis n'échappe pas au défaut qui lui a
valu la critique : elle ne peut se définir, de sorte qu'il est impossible de distinguer
fermement un droit acquis d'une simple expectative13
. Il n'est dès lors étonnant
que si elle est inconsistante, la notion de droit acquis puisse s'employer avec des
théories qui s'y opposent14
.
que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé que la validité et l'efficacité de la reconnaissance
litigieuse comme de la légitimation qu'elle avait pour objet de réaliser ne pouvaient être appréciées au
regard de la législation sous l'empire de laquelle l'acte avait été accompli (...) ».
10. Cass. 2e
civ., 23 février 1962, Bull. Civ. II, n° 235, p. 264, v. aussi par ex. Cass. 2e
civ.,
21 décembre 1961, Umberto, Bull. 1961, II, n° 918, pour une solution analogue.
11. F. SAINT-BONNET, « Exception, nécessité, urgence », in D. ALLAND et S. RIALS (dir.),
Dictionnaire de la culture juridique, Lamy-PUF, Quadrige (coll.), 2003, p. 673-678 ; v. aussi « Exception »
in Dictionnaire Trésor de la langue française informatisé, disponible en ligne : https://www.cnrtl.fr/,
spéc. sens B.
12. J.-M. DE MOY, L'exception en droit privé, PUAM, Centre Pierre Kayser, 2011, n° 716,
p. 330.
13. V. supra, n° 4.2.
14. P. LEVEL, Essai sur les conflits de lois dans le temps. Contribution à la théorie générale du
droit transitoire, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 1959, n° 45, p. 75.
https://www.cnrtl.fr/
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