Bibliothèque de droit privé - Tome 654 - Méthodes du droit transitoire en matière civile - 163

LE TRAITEMENT PRAGMATIQUE DU REVIREMENT DE JURISPRUDENCE
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Le champ de la rétroactivité s'en trouve d'autant plus malléable : si telle définition
de la rétroactivité ne convient pas, telle autre sera plus utile. La difficulté
d'un pareil modèle tient à l'absence d'unité de la notion qu'il implique : faisant
l'objet d'une approche duale, la rétroactivité apparaît d'autant moins saisissable.
Le fait de retenir que les théories se combinent et traitent chacune des cas
différents, implique que la rétroactivité change également de visage en fonction de
la diversité des cas.
177. Rétroactivité : permanence de la dualité. Relevant de définitions diffé.
Elle est pourtant censée correspondre à un seul
rentes selon la théorie employée pour la présenter, la notion de rétroactivité reste
en permanence dans la dualité93
mouvement : l'application de la loi nouvelle à un élément qui lui est antérieur.
La conceptualisation de la rétroactivité dans les théories du droit transitoire,
autant que leur usage éclectique en jurisprudence, font passer l'approche ratione
temporis au second plan.
Certes, il est classiquement soutenu que la condition d'un traitement rationnel
du conflit de lois dans le temps repose sur la qualification des espèces et la
localisation de leurs différents éléments dans le temps94
même des catégories qui sont utilisées pour la réaliser95
.
. Mais celle-ci dépend elle.
En ce sens, les théories
devraient être déterminantes alors que, comme le soulignent certains auteurs, elles
auraient tendance à conduire à des résultats similaires96
L'angle de définition des théories du droit transitoire ne permet donc pas de
rendre compte de la spécificité du phénomène du point de vue des solutions jurisprudentielles.
Si les concepts et notions sont avant tout des instruments de
connaissance du droit97
, cette fonction ne peut plus être remplie s'il existe en
même temps deux concepts pour un même objet. À plus forte raison encore, si les
définitions sont interchangeables du point de vue du résultat, c'est-à-dire des
conséquences pratiques qu'elles produisent.
Comme le souligne James à cet égard, si deux conceptions d'une chose
semblent opposées mais n'aboutissent pas à des différences en pratique, c'est que
l'opposition en question n'existe pas : il n'y a de différence que pratique98
.
L'existence de deux théories du conflit de lois dans le temps incluant chacune
leur définition de la rétroactivité ne permet pas de saisir ce qu'est la rétroactivité
en soi. Qualifier l'application d'une loi nouvelle comme étant rétroactive selon
qu'elle atteigne un droit acquis ou une situation passée revient à changer les éléments
constitutifs permettant de la qualifier.
Pourtant, si l'usage d'une approche comme de l'autre s'avère indifférent en
raison de l'indétermination des termes de chacune, les pistes sont naturellement
93. V. supra, n° 63 et s.
94. P. DEUMIER, Introduction générale au droit, 6e
éd., 2021, n° 276, p. 251 ; H. BATIFFOL,
« Conflits de lois dans l'espace et conflit de lois dans le temps », in Choix d'articles, 1976, p. 179.
95. C. ATIAS, Épistémologie juridique, PUF, 1985, n° 71, p. 129-130.
96. F. TERRÉ et N. MOLFESSIS, Introduction générale au droit, Dalloz, Précis (coll.), 14e
éd., 2022, n° 243, p. 309-310, n° 246, p. 311 et n° 248, p. 313.
97. C. ATIAS, précité, n° 82, p. 154.
98. W. JAMES, précité, p. 115 ; S. MADELRIEUX, précité, p. 307.
éd.,
2022, n° 583, p. 795-796 ; P. MALAURIE, L. AYNÈS et P. MORVAN, Introduction au droit, LGDJLextenso,
Droit civil (coll.), 9e
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