Bibliothèque de droit privé - Tome 654 - Méthodes du droit transitoire en matière civile - 270

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MÉTHODES DU DROIT TRANSITOIRE EN MATIÈRE CIVILE
La question de l'atteinte à un droit fondamental s'impose donc comme une
étape nécessaire dans le traitement du droit transitoire, si l'on ne veut pas risquer de
voir purement et simplement écartés les arguments techniques, et ce que la loi en
question soit rétroactive ou non. L'argument des conséquences individuelles se présente,
de la sorte, comme un élément à part entière de la méthode pragmatique.
343. Fond et forme. Il pourrait être tentant, afin de préserver l'acte entériné
par le législateur, de recourir à la technique des distinctions pour se soustraire au
contrôle de proportionnalité et ainsi s'en tenir à l'approche légaliste classique.
Il n'y aurait là en réalité qu'un faux-semblant : la France reste sanctionnée
par la Cour européenne lorsque l'application de ses solutions se trouve défectueuse.
Les solutions de la CEDH s'imposent au-delà des arguments techniques :
le fond prend le dessus sur la forme. En effet, la Cour européenne veillant à ne pas
laisser le formalisme « brider parfois la réception des droits fondamentaux »77
, il
est normal que cette considération rejaillisse sur la jurisprudence des juridictions
auxquelles ses arrêts s'imposent.
Par exemple, en application de la solution de l'arrêt Mazurek, rendu le
1er février 200078
, la France a modifié sa législation de manière à mettre un terme
. Les dispositions transitoires de la loi nouvelle prévoient son application
.
aux discriminations successorales entre les enfants adultérins et les enfants légitimes79
immédiate
aux successions ouvertes à la date de sa publication mais n'ayant pas
encore été partagées, et « sous réserve des accords amiables et décisions judiciaires
irrévocables »80
Une requérante se plaint de ne pouvoir bénéficier des dispositions nouvelles
pour une succession ouverte en 1992 et dont le partage a été achevé en 2005, soit
après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Si la succession fut partagée par acte
notarié dès 1992, il fut procédé en 2005 à un partage complémentaire en application
de l'ancien article 760 du Code civil81
, menant à un traitement défavorable de
la requérante, enfant adultérin.
Procédant à une interprétation stricte des dispositions transitoires de la loi nouvelle,
la Cour de cassation comme la cour d'appel, maintenaient le jeu de la loi ancienne,
retenant pour point de rattachement l'acte notarié de 1992 et non celui de 200582
.
fluence de la CEDH, Mare & Martin (éd.), Bibl. thèses (coll.), 2021, p. 356.
78. CEDH, 1er
77. L. BENEZECH, La fondamentalisation des droits dans l'ordre juridique interne sous l'infévrier
2000, Mazurek c/ France, Req. n° 34406/97, JCP. G., 2000, II, p. 10286,
note A. GOUTTENOIRE-CORNUT et F. SUDRE, à l'occasion duquel la France avait déjà été
condamnée, la Cour de cassation ayant estimé que l'infériorité successorale des enfants adultérins
était exorbitante du domaine des articles 8 et 14 de la Convention : Cass. 1re
civ., 25 juin 1996,
n° 94-14.858, Mazurek, JCP G., 1997, II, p. 22834, note P. MALAURIE.
79. L. n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants
adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral ; sur la notion de « succession
partagée » : CEDH, 7 février 2013, Fabris c/ France, Req. n° 16574/08, RTD Civ., 2013, p. 333, obs.
J.-P. MARGUÉNAUD, et p. 358, obs. J. HAUSER.
80. L. précitée, art. 25, II, 2°.
81. C. civ., art. 760, al. 1er
, dans sa version en vigueur du 1er
août 1972 au 1er juillet 2002 : « Les
enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de leur conception, engagé dans les liens d'un
mariage d'où sont issus des enfants légitimes, sont appelés à la succession de leur auteur en concours
avec ces enfants ; mais chacun d'eux ne recevra que la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si
tous les enfants du défunt, y compris lui-même, eussent été légitimes ».
82. Cass. 1re
civ., 4 mars 2015, n° 14-11.119.
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