Bibliothèque de droit privé - Tome 654 - Méthodes du droit transitoire en matière civile - 275

LES CONSÉQUENCES INDIVIDUELLES : LES DROITS FONDAMENTAUX
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Une objection pourrait cependant être soulevée à l'égard d'une telle conclusion.
En effet, dans l'arrêt Aubert et a. C/ France, la Cour européenne nuance sa
solution en retenant également que « toutefois, la cour admet, à juste titre, que la
loi du 19 janvier 2000 reste susceptible de régir les situations postérieures à son
entrée en vigueur par l'effet de son application immédiate »100
.
Il est vrai qu'y voir un classique découpage du temps entre passé et avenir
semble le réflexe premier. La chronologie frappe le lecteur de l'arrêt lorsque la
Cour admet, en des termes presque roubiériens, une application possible de la loi
pour les « situations postérieures à son entrée en vigueur ». Il n'est pas impossible
que la chronologie joue effectivement un rôle, mais à supposer que cela soit le cas,
ce rôle semble ne semble pas déterminant en soi.
En réalité, si l'application de la loi nouvelle à des situations postérieures est
admise, c'est surtout parce qu'elle ne présente aucune difficulté d'ordre transitoire,
puisque l'essentiel pour la Cour EDH, à en lire l'arrêt, est le respect des
biens et des espérances légitimes101
.
350. Apparence d'un critère chronologique. Autrement dit, il s'avère que le
critère temporel que l'on pourrait y déceler est apparent plus que décisif. Il correspond
en réalité, en termes de résultats et donc de conséquences, au respect des
droits prévus par la Convention. Le fait que le respect de ces droits coïncide en
l'espèce avec la chronologie n'implique pas que cette dernière soit effectivement
déterminante. Le temps serait ici bel et bien une condition d'existence des problèmes,
mais non en soi un élément de leur résolution.
C'est même le sens de l'arrêt de la Cour de cassation qui, retenant que la loi
nouvelle est applicable aux situations postérieures, se fonde pour ce faire sur le
droit au respect des biens plutôt que sur la chronologie.
Ainsi, dans l'arrêt rendu par la chambre sociale le 5 juin 2008, la Cour de
cassation estime que les salariés ayant saisi la juridiction prud'homale le 14 mai
2001, soit après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne pouvaient prétendre
s'être vus ravir une « espérance légitime » ou une « valeur patrimoniale préexistante
faisant partie de leurs biens » au sens de l'article 1er
n° 1 à la Convention EDH102
.
La chronologie semble ici respectée. En effet, les demandeurs cherchaient
à traiter des faits antérieurs à l'aide d'une loi entrée en vigueur après leur
survenance. Le temps n'est cependant pas l'argument principal, dès lors que
l'on parle d'« espérance légitime » ou de « valeur patrimoniale préexistante ».
Ces deux vocables impliquent par eux-mêmes, que les éléments qu'ils
désignent préexistent à la nouveauté. Toute atteinte à une valeur patrimoniale
ou à une espérance légitime, suppose en effet que celle-ci existe ou ait
existé au préalable : la qualification elle-même renvoie déjà à une position
temporelle.
100. CEDH, arrêt précité ; la Cour de cassation ne s'en privera pas : Cass. soc., 5 juin 2008,
n° 06-46.295 et 06-46.297, JCP. S., 2008, p. 1465, note L. DRAI.
101. CEDH, arrêt précité, § 74 : « la Cour considère que les requérants bénéficiaient d'un intérêt
patrimonial en l'espèce qui constituait, sinon une créance à l'égard de leurs adversaires, du moins une
''espérance légitime'', de pouvoir obtenir le paiement des rappels de salaire pour les heures litigieuses,
qui avait le caractère d'un ''bien'' au sens de la première phrase de l'article 1er
102. Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-46.295 et 06-46.297, précité.
du Protocole n° 1 ».
du Protocole additionnel

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