Bibliothèque de droit privé - Tome 654 - Méthodes du droit transitoire en matière civile - 289

LES CONSÉQUENCES GLOBALES : LES POLITIQUES JURIDIQUES
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techniques s'ajoute ainsi une difficulté supplémentaire : le problème de la détermination
de la règle temporellement compétente.
L'existence de ce problème, qui se superpose à celui de l'interprétation de la
règle, même pensée hors de tout changement, ne peut donc qu'accroître le champ
des solutions potentielles pour traiter un cas, même hors des prévisions classiques.
Dès lors, les théories du droit transitoire ne deviennent que des moyens de justifier
une solution ou l'autre.
375. Droit transitoire : redéfinition de l'espace des raisons. Si les moyens
qu'elles offrent s'avèrent insuffisants, reste la voie de la dérogation, comme dans
l'exemple précédent.
À travers la configuration créée par le conflit de lois, le droit transitoire
implique un changement des données du problème et donc, pour reprendre une
expression marquante, une « redéfinition de l'espace des raisons » permettant de
trancher24
.
L'indétermination accrue, induite du seul fait de l'évolution législative, précipite
le droit transitoire dans la plus pure stratégie, consistant à justifier l'opportunité
d'une manière ou d'une autre.
B. NÉCESSITÉ DE LA STRATÉGIE
376. Stratégie et prémisses implicites. Il est vrai que l'exemple précédent peut
sembler extrême : étant donné que la Cour emploie le terme « apprécier », elle
admet indirectement un jugement de valeur, ce qu'elle ne fait pas d'ordinaire.
La véritable difficulté concernant la part de politique en droit transitoire
tient à son caractère implicite, rendant sa constatation difficile. C'est dans l'usage
de l'implicite que prend corps la stratégie.
Tout se passe comme si le raisonnement prenait appui, en plus de la lettre des
règles de droit, sur des prémisses admises sans être énoncées, à la manière
d'axiomes qui guideraient une démonstration sans jamais y apparaître25
contradictions, difficultés et incertitudes, pourraient alors cesser en admettant
que d'autres prémisses sont à l'œuvre pour parvenir à la conclusion.
Il est des cas où les prémisses du raisonnement semblent résider hors des
seules règles de droit ou des théories du droit transitoire. C'est par exemple le cas
dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 23 mars 2022 à propos de la
validité d'une disposition testamentaire.
En l'espèce, un testament avait été établi en 2013 et complété par un codicille
en 2014. Le testateur avait institué, parmi les légataires, son auxiliaire de vie. Si au
moment de la rédaction de l'acte, aucune loi n'y faisait obstacle, une loi de 2015
vint changer la donne, en prévoyant une incapacité à recevoir pour les auxiliaires
de vie26
24. M.-L. MATHIEU, Logique et raisonnement juridique, PUF, Thémis (coll.), 2015, p. 383.
25. Comp. H. POINCARÉ, La Science et l'hypothèse, Flammarion, Bibl. de philosophie scientifique
(coll.), 1902, p. 58-61.
26. L. n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement,
spéc. art. 28 créant l'art. L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles.
. Les
. La succession s'étant ouverte en 2016, la question était de savoir quelle
règle appliquer pour apprécier la validité de la clause.
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