Bibliothèque de droit privé - Tome 655 - La garantie conventionnelle dans les cessions de droits sociaux - 153

L'EXISTENCE D'UNE UNITÉ D'OBJECTIF ÉCONOMIQUE, L'ALLOCATION DES RISQUES
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puisqu'elle organise la contribution aux dettes sociales d'un associé quittant la
société100
tiers102
. En devenant associé, l'acquéreur reprend la position de l'associé cédant
dans ses rapports avec les créanciers sociaux. En contrepartie, l'acquéreur exige
d'être protégé contre la révélation de dettes inconnues qu'il n'entend pas assumer
: c'est la raison d'être de la garantie de passif.
231. Le cautionnement des dettes d'une société et la garantie de passif participent
donc d'une philosophie commune : obliger celui qui escompte tirer les profits
d'une activité économique à en assumer les risques et ce, nonobstant les habits
juridiques que revêt son exploitation103
. Ce principe économique immuable
conduit à la remise en cause du mirage que constitue la limitation de responsabilité
des associés à hauteur de leurs apports.
232. Il est dès lors surprenant de voir certains auteurs critiquer la garantie de
passif au motif qu'elle « transfère sur le cédant un risque anormalement excessif
[...] leur risque devenant illimité alors qu'ils encouraient un risque limité au montant
de leurs apports lorsqu'ils étaient associés »104
, ou qu'elle porte atteinte à la fluidité
100. Il est d'ailleurs intéressant de relever que la Cour de cassation valide les cessions de contrôle
aboutissant à un prix négatif, notamment du fait de la mise en œuvre d'une garantie de passif, si la cession
s'accompagne par ailleurs d'une reprise des cautionnements de l'associé-cédant par le cessionnaire. Pour
une illustration voy. : Cass. com., 22 février 1983, n° 81-15.432, Mignot c. Scté Primistères : J.C.P. 1983,
C.I., 11547 ; Bull. Joly 1983, p. 366, § 162 : « Mais attendu que la Cour d'appel qui a constaté la situation
obérée des sociétés Comptoirs Français et Marnais a relevé d'un côté les avantages personnels qu'apportaient
les accords conclus aux époux Mignot [libération de leurs cautionnements] et a considéré d'un autre côté ces
avantages comme la cause d'une cession d'actions moyennant un prix qui devait se révéler inferieur a l'excédent
de passif [pris en charge par les cédants au titre de la garantie de passif] qu'ainsi, la cour d'appel, qui a
retenu que les époux Mignot s'étaient engagés dans la perspective d'éviter la procédure collective et la liquidation
des biens de leurs sociétés, ne s'est pas contredite et a légalement justifié sa décision ».
101. Sur cette question : O. Salvat, « Cession unilatérale de contrat : le cas de la reprise des
engagements de caution par un dirigeant de société », LPA 23 déc. 1999, n° 255, p. 10 - 17 ; F. Buy,
« Le sort du cautionnement en cas de cession de contrôle », Dr. & patrimoine, juill. 2003, n° 117,
p. 58 - 63 ; M. Mignot, « La clause de substitution de caution », LPA 7 avr. 2006, p. 8 - 15.
102. Cette obligation du cessionnaire d'obtenir des créanciers sociaux la levée des garanties
consenties par le cédant a été analysée comme une obligation de moyens : CA Paris, pôle 5, Ch. 8,
14 juin 2017, SARL Evinvest, n° 15/00827 : BJS 2017, n° 11, p. 21, obs. B. Dondero ; Option Finance,
13 nov. 2017, obs. J. Lombard-Platet ; BRDA 19/17, p. 3.
103. G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ 1946, p. 201, n° 91 in fine :
« Ainsi devenus capitalistes, les commerçants veulent tout de même conserver les avantages qu'un régime
démocratique fait aux petits. Ils ne veulent pas assumer la responsabilité qui justifierait le profit. Et
comme malgré tout il était impossible de les y faire échapper, la loi est venue à leur secours. Le législateur
leur a fourni le moyen de ne pas engager leur responsabilité personnelle, il a permis la création de la
société à responsabilité limitée. Celui qui fait le commerce seul est tenu dans ses biens, il suffit de le faire
à deux pour ne plus être tenu. Tel est le résultat singulier de cette création légale ».
104. Th. Massart, « La convention de garantie de passif n'est pas un engagement unilatéral, »
obs. sous Cass. 1re civ., 20 sept. 2012, n° 11-13.144, Rev. sociétés 2013, n° 1, p. 22, spéc. p. 23, n° 3 et
Th. Massart, Le régime juridique de la cession de contrôle, T. Paris II, ss. dir. P. Didier, 1995, p. 253
et 259. L'auteur critique la garantie conventionnelle au motif qu'elle remettrait en cause la responsabilité
limitée dont jouissait l'associé pendant la vie sociale. Il a cependant été démontré que cette responsabilité
limitée pendant la vie sociale n'était que de façade (en raison des sûretés généralement
consentie) et que l'effacement rétroactif de l'écran social trouvait une justification économique dans
le lien risque-profit ; Adde : Th. Lambert, « L'exigence d'un prix sérieux dans les cessions de droits
sociaux », Rev. sociétés 1993, p. 11 - 51, spéc. n° 8.
. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la conclusion d'une garantie de paset
subordonnée à la levée des garanties consenties par le cédant à des
sif est souvent corrélée avec la reprise des cautionnements du cédant par l'acquéreur101
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