Bibliothèque de droit social - Tome 91 - L’application du régime général des obligations en droit du travail - 259

L'APPLICATION DÉNATURÉE : LES GARANTIES LÉGALES...
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frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée de ses obligations sociales
ayant rendu impossible le recouvrement des cotisations, contributions et sanctions
pécuniaires dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce
dirigeant peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces dettes
par le président du tribunal judiciaire230
.
Si le dirigeant peut être tenu de régler la totalité de la dette sans pouvoir
opposer un quelconque bénéfice de division, il peut opposer aux organismes
sociaux un bénéfice de discussion. Les organismes sociaux doivent préalablement
poursuivre la société, la personne morale ou le groupement ayant fait l'objet d'une
verbalisation pour travail dissimulé. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité de recouvrer
les cotisations et contributions sociales auprès de ceux-ci que ceux-là pourront
poursuivre à titre subsidiaire leurs dirigeants. Le choix de poursuivre
alternativement ou cumulativement les personnes morales et leurs dirigeants n'est
donc pas ouvert aux organismes sociaux. De plus, malgré cette impossibilité de
recouvrer ces cotisations ou contributions, le dirigeant peut échapper à sa responsabilité
solidaire en arguant qu'il n'est responsable d'aucune manœuvre frauduleuse
ou inobservation grave et répétée des obligations sociales.
226. Solidarité avec bénéfice de discussion : paralogisme. Ces dévoiements
de la solidarité ne sont pas des cas isolés en droit positif français. En droit de
la concurrence, l'article L. 481-11 du Code de commerce, issu de l'ordonnance
n° 2017-303 du 9 mars 2017231
responsable, à l'égard des victimes autres que ses contractants directs et indirects,
que si celles-ci n'arrivent pas à obtenir réparation auprès des autres
membres du cartel232
. En clair, l'ordonnance octroie à ces victimes un débiteur
subsidiaire, lequel est pourtant qualifié de débiteur solidaire. Comme le souligne
un auteur, « les auteurs de l'ordonnance ont sans doute craint un recours en
manquement s'ils ne transposaient pas la solidarité dans ce cas. Mais ils ont, ce
faisant, consacré une solidarité avec bénéfice de discussion, ce qui n'est pas vraiment
une solidarité »233
.
On ne peut qu'être frappé par la physionomie commune de cette « solidarité
avec bénéfice de discussion » et de la solidarité légale du dirigeant en matière de
travail dissimulé. Le dirigeant ne peut être tenu au paiement tant que le recouvrement
est encore possible, tout comme le demandeur de clémence n'est tenu qu'en
cas de réparation insuffisante de la victime. Le même raisonnement est bien sûr
transposable à la solidarité légale des sociétés mère et holding, ces dernières ne
230. V. supra, n° 221.
231. Relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles.
Cette dernière est venue transposer la directive n° 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil
du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit
national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de
l'Union européenne. Sur le sujet, v. M. BEHAR-TOUCHAIS, « Une application curieuse de la solidarité
: la solidarité avec bénéfice de discussion » : RDC 2017, n° 114f6, p. 312.
232. C. com., art. L. 481-11 : « la personne mentionnée à l'article L. 481-1 ayant bénéficié d'une
exonération totale de sanction pécuniaire en application d'une procédure de clémence n'est tenue solidairement
de réparer le préjudice subi par les victimes autres que ses contractants directs ou indirects que si
ces victimes n'ont pas pu obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des autres codébiteurs
solidaires après les avoir préalablement et vainement poursuivis ». Sur ce point, v. M. BEHARTOUCHAIS,
art. préc.
233. Ibid.
, prévoit que le demandeur de clémence n'est

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