Bibliothèque de droit social - Tome 91 - L’application du régime général des obligations en droit du travail - 306

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L'APPLICATION DU RÉGIME GÉNÉRAL DES OBLIGATIONS EN DROIT DU TRAVAIL
compensation judiciaire des dettes non connexes ne contraint pas le juge à la prononcer154
.
La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ce caractère facultatif,
notamment lorsqu'une créance de prêt de l'employeur envers le salarié est
décorrélée de l'exécution du contrat de travail. La reconnaissance du caractère non
connexe des créances et dettes invoquées justifiait d'écarter la demande de compensation
du salarié. Il ne pouvait donc être reproché aux juges du fond de ne pas avoir
prononcé la compensation d'obligations réciproques non connexes155
.
À l'inverse, le juge peut prononcer la compensation judiciaire, après avoir établi
le caractère certain des obligations réciproques, et à défaut de tout lien de
connexité. Ainsi en est-il à propos d'une demande de compensation entre une dette
de subvention de fonctionnement d'un comité d'établissement de l'employeur et
une dette de ce comité de remboursement d'heures de participation à des réunions
facultatives indument payées. La Cour de cassation relève que, « après avoir admis
le bien fondé de chacune de ces demandes, [la cour d'appel] a pu, conformément aux
dispositions de l'article 1291 du Code civil, ordonner la compensation judiciaire des
sommes dues »156
. Les dettes de remboursement et de subvention de fonctionnement
n'étaient vraisemblablement pas connexes, la Cour de cassation n'ayant pas
retenu cette qualification. Ceci n'a pas empêché la Cour d'approuver la compensation
prononcée, non pas en tant qu'il incombait au juge de la prononcer, comme
dans le cadre de la compensation des dettes connexes, mais en tant que cette prérogative
relevait du pouvoir souverain des juges du fond. De même, le recours au
juge apparaissait nécessaire afin d'établir l'existence de ces obligations, et donc
leur caractère certain, dont l'absence faisait obstacle à la compensation légale.
En revanche, la compensation judiciaire ne saurait être prononcée lorsque
l'une des créances n'est pas certaine. Ne sauraient donc être compensées une créance
de restitution de compléments de salaire indus et une créance de compléments de
salaire alors que le conseil de prud'hommes « n'était saisi d'aucune demande de l'employeur
en restitution des compléments de salaire versés » et « ne pouvait, dès lors,
procéder à une compensation judiciaire »157
. L'absence de demande de l'employeur
n'autorisait pas le juge à établir l'existence de la créance de restitution, et donc son
caractère certain. Il en résultait l'impossibilité de prononcer la compensation judiciaire
des dettes connexes ou non connexes158
entre les créances en cause.
277. Compensation conventionnelle : un contentieux marginal. Le contentieux
de la compensation conventionnelle est beaucoup plus marginal en droit du travail.
Le nouvel article 1348-2 du Code civil prévoit que les parties peuvent
154. La compensation judiciaire est laissée à l'appréciation des juges du fond et repose sur des
considérations d'équité et d'opportunité, décorrélées notamment de tout lien de connexité, v. en ce
sens, F. TERRE, Y. LEQUETTE, P. SIMLER et F. CHENEDE, op. cit., n° 1702.
155. Cass. soc., 19 oct. 1999, n° 97-41589 : à propos d'une demande de compensation entre
différentes créances d'arriérés de salaires et commissions, d'indemnités de rupture et d'indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse détenues à l'encontre de son employeur, établissement bancaire
avec lequel le salarié avait conclu un prêt sans rapport avec le contrat de travail. Le défaut d'exigibilité
de la créance de prêt faisait vraisemblablement obstacle à la compensation légale. Dans le
même sens, v. Cass. soc., 15 nov. 1989, n° 86-45389.
156. Cass. soc., 29 mai 2001, n° 99-14359.
157. Cass. soc., 24 oct. 1996, n° 94-40333.
158. Ici, les dettes étaient vraisemblablement connexes, car dérivant du même contrat de travail,
mais une telle solution aurait été transposable à une hypothèse relevant de la compensation judiciaire
des dettes non connexes, qui exige également la réunion du critère de certitude.

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