Bibliothèque de droit social - Tome 92 - Les fonctions de la protection de la santé des travailleurs en droit du travail - 418

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LES FONCTIONS DE LA PROTECTION DE LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS
867. La France reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales.
Cette reconnaissance fut l'élément le plus novateur, mais également le plus
contesté, de la réforme du Code pénal réalisée par la loi du 22 juillet 1992397
.
Cependant, il existe d'autres obstacles à la poursuite pénale des entreprises soupçonnées
d'avoir porté atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs (A). Pourtant
la sanction pénale demeure nécessaire car elle véhicule une fonction expressive
du droit totalement déconnectée des enjeux économiques. Cette fonction expressive
assure la reconnaissance des valeurs d'une société dont le droit est le garant.
De récentes décisions permettent de redonner espoir aux victimes des accidents
du travail et des maladies professionnelles de voir la responsabilité pénale des
entreprises engagée (B).
A. LES OBSTACLES À LA RECONNAISSANCE
DE CULPABILITÉ DES ENTREPRISES
868. Il existe différents obstacles à la reconnaissance de la responsabilité
pénale des entreprises en cas d'atteinte à la santé des travailleurs. L'attente du
procès pénal de l'amiante par les victimes témoigne de ces difficultés à obtenir une
décision pénale. Ces obstacles concernent la prescription des infractions (1) et
l'établissement des preuves (2).
1. La prescription des infractions
869. La prescription des infractions est une des causes d'extinction de l'action
publique. Elle commence à courir au jour où l'infraction a été commise398
.
Or, le temps qui s'écoule entre l'exposition au risque et la déclaration d'une maladie
peut être long et il est déconnecté du temps de la prescription des infractions.
Il en résulte fréquemment que les faits délictuels ou criminels soient prescrits au
moment où la maladie se déclare. Ce hiatus et ce décalage ont été particulièrement
sensibles dans le cadre des maladies professionnelles provoquées par l'amiante.
870. En effet, en application des règles de prescription, la Cour de cassation
italienne a, dans un arrêt rendu le 19 novembre 2014, cassé un arrêt de la cour
d'appel de Turin du 3 juin 2013 qui avait condamné Stephan Schmidheiny, l'ancien
propriétaire du producteur d'amiante-ciment Eternit et ce, alors que ce dernier
était accusé d'avoir intentionnellement causé une « catastrophe sanitaire et
environnementale permanente » du fait de l'activité des quatre usines italiennes
du groupe Eternit de 1976 à 1986 et que la Cour de cassation reconnaissait ellemême
la « responsabilité évidente » du prévenu.
Cette décision juridiquement fondée a suscité un tollé en Italie et appelle à
une réflexion sur les délais de prescription en matière de catastrophes industrielles.
En effet, les maladies se déclarant bien après l'exposition aux risques, il est permis
d'envisager que le délai de prescription puisse être recentré sur l'apparition de la
397. Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal relatives à
la répression des crimes et délits contre les personnes, entrée en vigueur au 1er
mars 1994.
Ainsi, l'article 121-2 du Code pénal, modifié par la loi du 9 mars 2004, prévoit que « les personnes
morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des
articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou
représentants ».
398. Article 7 à 9 du Code de procédure pénale (20 ans pour les crimes, 6 ans pour les délits, 1 an
pour les contraventions).

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