Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 173 - Le principe de responsabilité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel - 214

208 LE PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans »21
. Reprenant intégralement
le contenu de l'article 4 - fait assez rare pour être souligné - le Conseil
fait l'économie de la référence au contenu de l'article 1382 du Code civil, et donc
à la faute. Il se contente, pour conclure sa décision de considérer que « l'article 9
de la loi déférée se borne à mettre en œuvre le principe de responsabilité qui
découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 »22
. Si l'on peut s'interroger sur la
variation de la formulation du considérant, il n'est pas difficile de voir la présence
implicite de la notion de faute derrière celle de « défaut d'exécution » dans la mise
en œuvre du plan prévu par la loi.
286. L'idée est sensiblement identique dans la décision du 19 juin 2008 portant
sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés23
. L'article 8 de la
loi déférée instituait un régime de responsabilité de plein droit de tout exploitant
agricole mettant en culture un organisme génétiquement modifié, en raison du
préjudice économique résultant de la présence accidentelle de cet organisme dans
la production d'un autre exploitant agricole. Le régime institué était toutefois
soumis à des conditions jugées trop restrictives par les requérants. Le juge considère
alors sans reprendre son considérant de principe, que le dispositif, visant
simplement à faciliter l'indemnisation des préjudices économiques, et ne limite
donc pas à la possibilité pour la victime d'agir sur un « autre fondement juridique
». Dès lors, décide le Conseil, « ces dispositions n'apportent aucune limitation
au principe de responsabilité qui découle de l'article 4 de la Déclaration de
1789 »24
. Là encore, la faute est au cœur de la décision. C'est bien parce qu'une
action basée sur un autre fondement juridique - autrement dit une action en
responsabilité pour faute - reste ouverte à la victime que la disposition peut être
regardée comme constitutionnelle.
287. L'éviction de la faute du considérant de principe n'aura donc constitué
qu'une parenthèse dans l'histoire du principe de responsabilité, s'étendant de l'été
2005 à l'été 2008. Certes, il est difficile de définitivement trancher la question de
savoir si celle-ci correspondait à une période d'hésitation du Conseil ou à un
« simple oubli »25
, la notion étant toujours sous-jacente en ce qui concerne les
décisions concernées. Toujours est-il que la jurisprudence ultérieure renouera avec
l'habitude prise depuis la décision inaugurale, d'associer systématiquement l'obligation
de ne pas nuire à autrui à la responsabilité pour faute telle qu'elle est inscrite
à l'article 1240 du Code civil. La lecture extensive du principe de responsabilité
peut donc être - jusqu'à nouvel ordre26
26 juillet 202327
a appliqué le principe de responsabilité à un régime de responsabilité
de plein droit, elle ne semble pas avoir renoncé à la référence à la notion de
faute.
21. Cons. const., décision n° 2007-56 du 16 août 2007, préc., considérant 37.
22. Ibid., considérant 40.
23. Cons. const., décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, préc., considérants 37 et s.
24. Ibid., considérant 39.
25. B. GIRARD, Responsabilité civile extracontractuelle et droits fondamentaux, préc., p. 38.
26. Sur la position du Conseil vis-à-vis des mécanismes de responsabilité pour autrui. Eu égard
à sa jurisprudence récente, le Conseil constitutionnel peut paraître rétif à la constitutionnalisation de
la responsabilité objective. En ce sens, voir : B. GIRARD, « Le retournement du principe
constitutionnel de responsabilité en faveur des auteurs de dommages », Dalloz, 2016, p. 1346. Pour
une position différente, voir : V. MAZEAUD, « QPC et droit des obligations », in QPC et droit privé,
préc., p. 37, spéc., p. 49.
27. Cons. const., décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023, préc.
- mise à l'écart. En effet, si la décision du

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