Bibliothèque de droit public - Tome 343 - Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France - 16

16 DROIT À L'ALIMENTATION ET LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ALIMENTAIRE EN FRANCE
Mandeville6
reconnaît que le droit français semble exclure tout recours individuel
au nom d'un droit à une alimentation adéquate, tel que défini par la
doctrine internationale. Néanmoins, il soutient que les politiques publiques et
le droit positif sont suffisants pour répondre aux enjeux protégés par ce droit
de l'Homme avec, d'une part, le système de sécurité sociale qui instaure un
droit conditionnel à l'assistance conformément au droit d'obtenir des moyens
convenables d'existence posé par le Préambule de la Constitution de 19467
et,
d'autre part, le droit de la sécurité sanitaire français et communautaire qui
garantit l'accès à une nourriture de qualité8
. Par ailleurs, il souligne que le
devoir moral d'aide alimentaire, issu de la tradition chrétienne de la charité,
permet de « parvenir à des résultats comparables à la mise en œuvre d'un droit
justiciable à l'alimentation adéquate »9
. En définitive, l'auteur considère que
les garanties juridiques du droit français sont suffisantes pour couvrir en
majeure partie le contenu du droit à l'alimentation, sans nécessaire recours à
la reconnaissance et mise en œuvre de ce droit de l'Homme10
.
3. Si les propos de l'ancien président d'Emmaüs, Christophe Deltombe, et de
Bernard Mandeville se rejoignent pour mettre en doute l'intérêt d'une traduction
juridique du droit à l'alimentation dans le droit positif français, il existe toutefois
une différence de taille entre ces deux positions. En effet, on peut lire entre les
lignes de B. Mandeville que le droit et les politiques françaises offrent suffisamment
de garanties pour permettre l'accès de tous à une alimentation suffisante.
économique et droits de l'Homme, Larcier., Larcier, coll. « Droit/Économie internationale », 2009,
pp. 497-508 ; Kitéri Garcia, « Existe-t-il un droit à l'alimentation au regard de la Convention européenne
des droits de l'Homme ? », in De la terre aux aliments : des valeurs au droit, INIDA, 2012,
pp. 159-167 ; François Collart Dutilleul, « Heurs et malheurs du droit fondamental à l'alimentation
», in Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, Institut Universitaire Varenne,
2013, pp. 119-130 ; Jean-François Flauss, « Le droit à l'alimentation en droit international : de la
juridicisation à la justiciabilisation ? », in Alberto Aronovitz (dir.), Gastronomie, alimentation et
droit : Mélanges en l'honneur de Pierre Widmer, Schulthess., coll. « Publications de l'Institution suisse
de droit comparé », n° 46, 2003, pp. 391-404 ; Denis Fadda, « Le droit à l'alimentation : une arme
nouvelle contre l'insécurité alimentaire », in Vers un monde nouveau : mélanges, textes et documents
offerts au Professeur Edmond Jouve, Bruxelles, Belgique, Bruylant, 2010, pp. 1351-1374 ; Carole
Nivard, « Le droit à l'alimentation », in Diane Roman (dir.), « Droits des pauvres, pauvres droits ? »
Recherches sur la justiciabilité des droits sociaux, Paris, France, Centre de recherche et d'études sur les
droits fondamentaux (CREDOF), Université Paris Ouest Nanterre la Défense, 2010, pp. 245-260 ;
Daniel Gadbin, « Droit à l'alimentation », in La Constitution, l'Europe et le droit : Mélanges en l'honneur
de Jean-Claude Masclet, Publications de la Sorbonne, 2013, pp. 617-637 ; Daniel Gadbin,
« Faut-il consacrer en Europe un droit à l'alimentation ? », Revue de droit rural, n° 410, Février 2013,
p. 2 ; Pierre-Étienne Bouillot, « L'absence de considérations du droit à l'alimentation dans la
construction du droit de l'alimentation », Droit et société, N° 101, n° 1, 9 mai 2019, pp. 53-69 ;
Benjamin Clémenceau, Le droit à l'alimentation, Thèse de doctorat en droit public, sous la direction
de Pierre Montalivet, Université Paris-Est, 2020, 779 p.
6. Bernard Mandeville, « Le droit à une alimentation adéquate : quelle positivité en droit
français ? », Gazette du Palais, n° 223, 11 août 2005, pp. 15-22.
7. Ibid., pp. 17-19.
8. Ibid., pp. 19-21.
9. Ibid., p. 16.
10. La seule nuance apportée concerne la protection des exigences gastronomiques, socioculturelles
et religieuses des régimes alimentaires en cas d'antagonismes avec les normes sanitaires visant à
garantir une alimentation de qualité : B. Mandeville détaille les exemples des sacrifices des moutons
lors de l'Aïd-el-Kébir et du gavage des oies et des canards dans la fabrication du foie gras. Selon
l'auteur, dans ces situations, l'invocation du droit à l'alimentation, tel que défini en droit international,
pourrait offrir une protection supérieure à celle prévue par les droits positifs français et communautaire.
Ibid., pp. 21-22.
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