Bibliothèque de droit public - Tome 343 - Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France - 179

LA CONSÉCRATION DU DROIT À L'ALIMENTATION EN DROIT INTERNATIONAL
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Malgré plusieurs exemples de bonnes pratiques, l'ancienne Rapporteuse spéciale
sur le droit à l'alimentation, Hilal Elver, relève toutefois les obstacles auxquels se
heurtent encore les personnes souhaitant obtenir réparation en cas de violations
liées au droit à l'alimentation112
.
286. Il convient, par ailleurs, de préciser que A. Eide, dans son rapport,
, cadre qui sera repris en partie par le Comité des
propose également d'établir un cadre pour des obligations internationales113
et/ou extraterritoriales114
activités pétrolières menées par la société nationale qui ont contaminé les terres de la communauté
Ogoni, ainsi que la répression brutale qu'il a menée à l'encontre de ses membres. Elle estime que « le
droit à l'alimentation exige que le gouvernement nigérian ne détruise ni ne contamine les sources alimentaires.
[...] Le gouvernement a détruit les sources d'alimentation à travers ses agents de sécurité et
les compagnies pétrolières d'État [...] et, a, au moyen de la terreur, créé de sérieux obstacles aux communautés
Ogonis dans leur recherche de nourriture. [... L]e gouvernement nigérian [...] est par conséquent
en violation du droit à l'alimentation des Ogonis ». Pour remédier à cette violation de respecter
le droit à l'alimentation de la communauté des Ogonis, la ComADHP a défini plusieurs mesures que le
gouvernement devait prendre y compris le versement d'une compensation et le nettoyage des terres et
rivières polluées ou endommagées (ComADHP, Social and Economic Rights Action Center and Center
for Economic and Social Rights v. Nigeria, aff. 155/96, décision du 27 octobre 2001, n° 49 et 65-66).
La justiciabilité de l'obligation de protéger le droit à l'alimentation a également été confirmée, à
la fois au niveau national et régional. Par exemple la Cour suprême de l'Inde a confirmé la justiciabilité
de cette obligation dans deux affaires : pour protéger les droits des pêcheurs traditionnels d'accéder
à la mer, à la terre et à l'eau contre les activités de l'industrie de la crevette (Inde, Supreme Court,
S. Jagannath vs. Union of India and Ors, Décision du 11 décembre 1996), et pour protéger les modes
de subsistance des populations tribales contre les concessions accordées par l'État à des compagnies
privées (Inde, Supreme Court, Samantha vs. State of Andhra Pradesh and Ors, Décision du 11 juillet
1997). De même, dans l'affaire Ogoni (cf supra), la ComADHP a estimé que l'État du Nigéria n'avait
pas protégé la communauté contre la pollution des sources alimentaires par un consortium constitué
par la compagnie nationale de pétrole et l'entreprise transnationale Shell (ComADHP, Social and
Economic Rights Action Center and Center for Economic and Social Rights v. Nigeria, aff. 155/96, décision
du 27 octobre 2001, n° 54 et 65-66).
Enfin, l'obligation de donner effet au droit à l'alimentation a fait l'objet de divers contrôles
jurisprudentiels : tout d'abord le contrôle de la réalisation du droit fondamental d'être à l'abri de la
faim effectué par le juge en tant que gardien des droits fondamentaux (exemple de la Cour suprême
d'Argentine qui a ordonné à l'État et à la Province concernée de prendre des mesures d'urgence pour
garantir l'accès à l'alimentation et à l'eau potable à des communautés indigènes se trouvant dans une
situation extrêmement dégradée : Argentine, Corte Suprema de Justicia de al Nación, Defensor del
Pueblo de la Nación c. Estado Nacional y otra, Décision du 18 septembre 2007, § 3) ; ou encore le
contrôle de la mise en œuvre des mesures décidées par les pouvoirs politiques pour donner effet au
droit à l'alimentation (exemple la Cour suprême de l'Inde dans l'affaire People's Union for Civil Liberties
pour protéger le droit à l'alimentation de plusieurs communautés qui souffraient de la faim dans
l'État du Rajasthan : Inde, Cour suprême, People's Union for Civil Liberties v. Union of India, Writ
Petition (Civil), No. 196/2001) ; et enfin le contrôle du caractère raisonnable des mesures prises par les
pouvoirs politiques pour donner effet à ce droit (exemple aux États-Unis, les juges ont été amenés à
contrôler la légalité de programmes de distribution alimentaire et ont pu censurer des programmes en
raison des critères d'éligibilité des bénéficiaires ou parce que la procédure d'octroi d'une aide en situation
d'urgence a été considérée trop lente : États-Unis, Suprem Court, Us Department of Agriculture
v. Moreno, 413 US 528, 25 juin 1973 ; et US District Court, 2nd
district, Robidoux v. Kitchel, 1995).
112. Hilal Elver et Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies, Rapport de la Rapporteuse
spéciale sur le droit à l'alimentation, Hilal Elver - Accès à la justice et droit à l'alimentation : la
marche à suivre, 12 janvier 2015, A/HRC/28/65.
113. Asbjørn Eide, Le Droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l'Homme, 1989,
op. cit., chapitre 5 « Existe-t-il des obligations internationales ? », l'auteur propose de reconnaître une
obligation de respecter l'autodétermination des peuples et leur souveraineté sur les ressources naturelles,
l'obligation de respecter le droit d'autres États à jouir de ressources communes, l'obligation de
respecter le droit d'autrui à accéder aux ressources de fonds commun qui représentent les recherches
scientifiques mondiales et l'obligation de participer à la protection contre les systèmes d'exploitation.
114. À ce sujet, voir : Carole Nivard, « Le droit à l'alimentation », op. cit.

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