Bibliothèque de droit public - Tome 343 - Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France - 238

238 DROIT À L'ALIMENTATION ET LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ALIMENTAIRE EN FRANCE
de Versailles58
, de Lyon59
, de Toulouse60
et de Montpellier61
, pour des faits sensiblement
similaires.
404. C'est la chambre des libertés individuelles de cour d'appel de Douai qui
répond pour la première fois à un moyen « tenant [au] droit à l'alimentation » du
requérant, en mentionnant expressément ce droit, le 7 mai 201462
sont traitées, ce même jour, avec des faits très proches63
. Quatre affaires
. Un arrêté préfectoral portant
obligation de quitter le territoire est pris à l'encontre d'un ressortissant étranger,
suivi d'un autre arrêté portant son placement en rétention administrative, dans
des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une période
n'excé dant pas cinq jours. Ces deux arrêtés sont notifiés à la personne concernée
qui est placée dans un centre de rétention le jour même. Dans les jours suivants, le
préfet présente une requête au juge des Libertés et de la détention pour une prolongation
du maintien en détention : une ordonnance est rendue par le juge en ce sens,
pour une prolongation d'une durée maximale de vingt jours, et c'est cette ordonnance
qui fait l'objet d'une procédure d'appel. Parmi les motifs soulevés pour
demander la nullité de cette ordonnance figure un moyen fondé sur le non-respect
du droit à l'alimentation de la personne intéressée, pendant la durée des mesures de
retenues et de rétention. Dans les quatre décisions rendues, la rédaction est la
même64
. La cour d'appel de Douai reconnaît expressément la justiciabilité d'un
« moyen tenant [au] droit à l'alimentation » de la personne concernée. Mais, en se
fondant sur la différence de rédaction entre l'ancien article L. 611-1-1 du Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA - dispositions
désormais reprises dans l'article L. 813-13 du CESEDA) et l'article 64 2° du Code
de procédure pénale, elle considère qu'il n'y a aucune obligation à faire figurer la
mention des heures de repas dans le procès-verbal de la retenue policière d'un
58. Cour d'appel de Versailles, 10 juillet 2020, n° 20/03138.
59. Cour d'appel de Lyon, 10 avril 2024, n° 24/03051.
60. Cour d'appel de Toulouse, 18 avril 2024, n° 24/00443.
61. Cour d'appel de Montpellier, 17 mai 2021, n° 21/00117.
62. Auparavant, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 juin 2013 (n° 13/01949), pour des faits
similaires à ceux présentés à la cour d'appel de Douai, étudie un motif d'appel formulé en ces termes :
« le non-respect du droit à l'alimentation durant la garde à vue puisque l'intéressé est resté 12 heures
sans se restaurer ». Il semblerait que ce soit la première apparition du terme droit à l'alimentation dans
la jurisprudence française. Mais si le juge se prononce sur le moyen fondé sur l'alimentation de la
personne pendant la mesure de retenue, il ne reprend pas l'expression « droit à l'alimentation »
qu'avait utilisée le requérant, contrairement à la rédaction des arrêts de la cour d'appel de Douai du
7 mai 2014.
63. Cour d'appel Douai, 7 mai 2014, n° 14/00380, n° 14/00382, n° 14/00386, n° 14/00388.
64. Le juge considère que « si l'article 64 2° du Code de procédure pénale prévoit que dans le
cadre d'une mesure de garde à vue, un procès-verbal doit mentionner les heures auxquelles le garde à
vue a pu s'alimenter, force est de constater qu'aucun texte n'impose une telle mention en matière de
mesure de retenue, l'article L. 6111-1-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
(CESEDA) disposant simplement que l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un
agent de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui ont justifié le contrôle, ainsi
que la vérification du droit de circulation ou de séjour et les conditions dans lesquelles la personne a
été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer [...]. De sorte qu'il ne
saurait être imposé aux services de police de mentionner les heures auxquelles [l'intéressé] a pu s'alimenter.
En conséquence, l'intéressé n'établissant pas qu'il n'a pas pu s'alimenter, le moyen tenant à
son droit à l'alimentation pendant la durée de la mesure de retenue doit être rejeté. Si l'article R. 553-12
du CESEDA prévoit que pendant la durée de leur séjour en rétention, les étrangers sont hébergés et
nourris à titre gratuit, l'intéressé n'établit pas qu'il n'a pas pu s'alimenter ou que l'alimentation était
périmée, le moyen tenant à son droit à l'alimentation pendant la durée de mesure de retenue ou de
rétention doit être rejeté ».
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