Bibliothèque de droit public - Tome 343 - Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France - 403

GASTRONOMIE DE LA FAIM OU PERTINENCE D'UNE APPROCHE FONDÉE SUR LES DROITS 403
angle, l'étude de l'effectivité du droit à l'alimentation est à rechercher dans son
caractère de « boussole [pour] garant[ir] que l'objectif des politiques est bien de
faire reculer la faim et la malnutrition »132
, c'est-à-dire dans la méthode suivie au
sein des stratégies de lutte contre la précarité alimentaire (§2). Si les conditions
sont réunies pour garantir la validité, l'opposabilité et l'efficience du droit à l'alimentation,
on peut alors espérer contribuer à une efficacité du droit à l'alimentation
dans la lutte contre la précarité alimentaire, c'est-à-dire son apport pour
produire les effets attendus au regard de l'objectif de l'égal accès de tous à l'alimentation.
Sous ce dernier sens, conditionnel aux trois autres, l'effectivité du
droit est alors entendue sous l'angle d'une concrétisation dans les faits, au regard
du vécu et des besoins essentiels des personnes qui connaissent la précarité
alimentaire.
§ 1. VALIDITÉ ET OPPOSABILITÉ DU DROIT À L'ALIMENTATION :
D'UNE EFFECTIVITÉ POSSIBLE À UNE EFFECTIVITÉ RÉELLE
688. « Ce que l'on peut [...] attendre du droit, ce n'est pas l'assurance de la
garantie des droits et libertés par quelques mécanismes qui y seraient en soi prédisposés,
mais, plus modestement, l'aménagement de procédures et de dispositifs
qui rendent possibles la revendication et l'affirmation d'une pluralité de niveaux
d'exigence à leur égard »133
. La reconnaissance et de la protection du droit à l'alimentation
a pour objectif premier de mettre en place un cadre juridique permettant
d'établir des normes contraignantes et des voies de recours, en cas de violation
de son contenu normatif. Ce cadre, précisé par la directive 7 des Directives volontaires
sur le droit à l'alimentation134
constitutionnel, d'un cadre légal et d'un cadre juridictionnel135
français n'offre qu'une très faible protection du droit à l'alimentation136
, repose à la fois sur l'établissement d'un cadre
. Puisque le droit
, on ne
peut que faire le constat d'une très insuffisante validité et opposabilité de ce droit
de l'Homme aujourd'hui en France. Tout l'enjeu est alors de vérifier si la reconnaissance
de ce droit serait de nature à garantir son effectivité ou si les contours
imprécis de son contenu rendent illusoire toute positivité de ce droit, comme le
craint une partie de la doctrine137
.
132. Olivier De Schutter, Combattre la faim par le biais du droit à l'alimentation, op. cit., p. 1.
133. Véronique Champeil-Desplats, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., p. 344.
134. Directives volontaires sur le droit à l'alimentation, op. cit., directive 7 « Cadre juridique » :
7.1. Les États sont invités à envisager, conformément à leur cadre juridique et à leurs politiques nationales,
l'intégration dans leur droit national des dispositions, incluant éventuellement un examen des
textes constitutionnels ou législatifs, afin de faciliter la concrétisation progressive du droit à une alimentation
adéquate dans le contexte de la sécurité nationale. 7.2. Les États sont invités à envisager,
conformément à leur cadre juridique et à leurs politiques nationales, l'intégration dans leur droit
national (Constitution, Charte ou législation) de dispositions permettant d'appliquer directement la
concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Il peut être envisagé de mettre en
place des mécanismes administratifs, judiciaires et d'ordre juridictionnel, qui offrent des voies de
recours adéquates, efficaces et rapides, en particulier aux groupes vulnérables.
135. Olivier De Schutter, Combattre la faim par le biais du droit à l'alimentation, op. cit. ; FAO,
Guide pour légiférer sur le droit à l'alimentation, op. cit. Voir également supra, n° 288 et s. « L'adoption
d'outils novateurs pour la concrétisation de ce droit ».
136. Voir supra, n° 383 et s. « Une très faible protection du droit de l'Homme à l'alimentation
en France ».
137. En ce sens D. Gadbin alerte sur le fait que « cette définition multidimensionnelle et englobante
du droit à une nourriture suffisante est source d'ambiguïté et susceptible d'en menacer la positivité
», in Daniel Gadbin, « Droit à l'alimentation », op. cit., p. 625.
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