Bibliothèque de droit public - Tome 343 - Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France - 441

CONCLUSION GÉNÉRALE
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françaises et du droit relatifs à la lutte contre la précarité alimentaire, plusieurs
exigences liées au contenu normatif du droit à l'alimentation (parmi lesquelles le
respect de la dignité, de la non-discrimination, de la place et de la voix des personnes
concernées, de l'engagement de la responsabilité de l'État, etc.). La considération
des dimensions associées à la « gastronomie de la faim » conduit donc à
mettre en évidence la plus-value que présenterait l'intégration d'une approche
fondée sur ce droit de l'Homme, pour répondre aux besoins des personnes et protéger
leurs droits et libertés. Néanmoins, il convient encore de préciser le sens et la
portée du droit à l'alimentation, pour que sa reconnaissance en tant que droit
autonome permette de corroborer de telles conclusions. Toute interprétation restrictive
ou caritative du contenu de ce droit de l'Homme vient remettre en cause
l'intérêt que présenterait sa traduction juridique dans l'ordre interne. L'intégration
de la complexité des dimensions entourant l'accès à l'alimentation des personnes,
dans la définition du droit à l'alimentation, conditionne la démonstration
de la valeur ajoutée et de l'effectivité du recours à ce droit de l'Homme en tant que
fondement et instrument pour la lutte contre la précarité alimentaire. On retrouve
alors l'importance d'un changement de paradigme dans la conceptualisation des
enjeux qui entourent la lutte contre la précarité alimentaire, pour pouvoir définir
les contours d'une protection juridique adéquate contre les logiques d'inégalités
et d'exclusions à l'œuvre, autour de l'accès à l'alimentation des personnes en vulnérabilité
sociale et économique.
754. Cette réflexion s'applique au cadre français mais elle peut être étendue.
Tout acte alimentaire étant toujours socialement construit, l'approche liée à la
« gastronomie de la faim » ne doit pas se limiter à l'accès à l'alimentation en
France : elle enrichit l'interprétation du droit à l'alimentation en droit international,
y compris au regard des situations d'urgences alimentaires. De plus, ces
conclusions liées au droit français pourraient s'étendre à l'ensemble des pays dits
développés, puisqu'aucun n'a encore consacré le droit de l'Homme à l'alimentation
dans l'ordre interne. Toutefois, si cette étude permet de souligner la nécessité
de prendre en compte les dimensions sociales, culturelles et politiques de la lutte
contre la précarité alimentaire, elle ne présente qu'une esquisse de son contenu. Il
reste un important travail de modélisation à réaliser pour parvenir à mieux identifier
les différentes ramifications qui font de l'accès à l'alimentation un fait social
total et qui permettent de mettre en lumière l'ampleur des champs politiques et
juridiques concernés. Pour cela, il importe donc de remettre l'apport des sciences
sociales au centre de la compréhension des enjeux alimentaires, puisque c'est
grâce à cette approche que l'on démontre l'importance des enjeux juridiques en
présence. Or, la grande majorité des auteurs soulignent le fait que le sujet de l'alimentation
demeure peu exploré dans leur champ disciplinaire respectif, bien que
présentant un caractère central2
. Le défi pour la recherche en droit, et plus généralement
dans les sciences sociales, est donc majeur.
2. Jean-Pierre Poulain expose qu'il « est des sujets que la pensée savante considère comme
mineurs. L'alimentation et la cuisine sont de ceux-là. [...] Tous les sociologues et anthropologues qui
travaillent ou ont travaillé sur l'alimentation signalent le paradoxe de cet objet. Thématique carrefour
à l'articulation du biologique et du social, du naturel et du culturel... mais aussi objet futile, secondaire
» : Jean-Pierre Poulain, Sociologies de l'alimentation, op. cit., pp. 206-207. De même, Paul
Ariès constate qu'il n'existe pas d'histoire politique de l'alimentation et qu'il ouvre un champ disciplinaire
avec son étude : Paul Ariès, Une histoire politique de l'alimentation, op. cit., p. 11. Carolyn
Steel souligne que l'objet de son ouvrage portant sur les relations villes/nourritures, est un sujet

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