Droit & Pratique professionnelle - Droit du handicap - 1re - 113

LA LENTE AFFIRMATION DE L'AIDE SOCIALE EN FAVEUR DES PERSONNES
EN SITUATION DE HANDICAP
de solution d'ensemble. Elle reste fidèle aux principes
dégagés au début de la IIIe
République.
196. Le tournant de la loi du 30 juin 1975. - La loi
du 30 juin 1975, n° 75-534, d'orientation en faveur des
personnes handicapées est fondatrice de l'aide sociale
en faveur des personnes handicapées. Loin d'être un
élément isolé, la loi répond à une forte tendance internationale
qui, dès le début des années 1970, a vu apparaître
les premières conventions consacrant les droits
des personnes handicapées33
.
Toutefois, le droit international a montré de nombreuses
limites nécessitant une action législative nationale. Malgré
son indéniable intérêt, le mouvement d'internationalisation
n'a pas eu, dans un premier temps, les conséquences
juridiques escomptées sur le droit des personnes en
situation de handicap. Les difficultés d'opposabilité et
d'application des stipulations en droit interne34
constituent
une limite sérieuse à l'affirmation d'un droit international
du handicap35
.
. Indépendamment ces réserves juridiques,
l'apport incitatif qu'a pu avoir une telle démarche sur les
décideurs politiques ne saurait être minoré. L'adoption de
la loi du 30 juin 1975 est illustrative de ce point36
33. Par exemple la Déclaration des droits du déficient mental, de 1971 ; ou
encore la Déclaration sur les droits des personnes handicapées, de 1975.
34. CE, 4 juill. 2012, n° 341533, Conféd. française pour la promotion sociale
des aveugles et des amblyopes, Lebon, 261 ; RDSS 2012.925, concl.
landais ; RTD eur. 2013.877, obs. ritleng. Les dispositions de l'article 15
de la Charte sociale européenne révisée, signée à Strasbourg le 3 mai
1996, aux termes desquelles les États signataires s'engagent « à prendre
les mesures nécessaires pour fournir aux personnes handicapées une
orientation, une éducation et une formation professionnelle dans le cadre
du droit commun chaque fois que possible », « à favoriser leur accès
à l'emploi par toute mesure susceptible d'encourager les employeurs
à embaucher et à maintenir en activité des personnes handicapées »
et « à favoriser leur pleine intégration et participation à la vie sociale,
notamment par des mesures (...) visant à surmonter des obstacles à la
communication et à la mobilité », ont pour objet exclusif de régir les relations
entre États ; dans la mesure où elles requièrent l'intervention d'actes
complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers, une
association ne saurait donc utilement s'en prévaloir.
35. On retiendra que les juridictions internes accueillent de plus en plus
favorablement les moyens tirés d'une méconnaissance par la France
d'une stipulation issue d'une convention internationale en matière de
handicap. V. en ce sens pour un exemple récent CAA Nantes, 21 mai
2019, n° 17NT03700 : « (...) M. B. peut utilement invoquer les stipulations
de l'article 22 de la convention relative aux droits des personnes
handicapées, signée à New York le 30 mars 2007 ».
36. À cet égard les rapports parlementaires qui ont précédé l'adoption de
la loi de 1975 font clairement référence à l'émergence de ce droit international
du handicap.
La loi de 1975, composée de 62 articles, constitue
autant une continuité qu'une rupture.
Une continuité, d'abord, dans la mesure où elle prolonge
une tendance visant à développer une législation
sociale autonome en matière de handicap. Amorcée de
longue date, la dynamique semblait, au fil des décennies,
s'être tarie.
Rupture, car la loi s'attache à mettre en place une véritable
politique sociale au sens large du terme. Traitant
du handicap chez les adolescents et les enfants, s'attaquant
à l'épineuse problématique de l'emploi, mais
également à la vie sociale des personnes handicapées,
la loi est particulièrement ambitieuse.
Les orientations choisies visent à rendre compte de l'ensemble
des problèmes sociaux et économiques rencontrés
par les personnes handicapées, mais également par
leurs proches, ayant souvent le rôle d'aidant. Le volet
de l'aide sociale est lui aussi largement évoqué, la loi lui
consacre l'intégralité de son chapitre 4.
Deux nouvelles prestations sont instaurées : d'une part,
l'allocation adulte handicapée (AAH) destinée à assurer
un minimum vital aux personnes handicapées37
part, l'allocation compensatrice tierce personne, qui permet
de recourir à l'aide d'un tiers ou de compenser un
surcoût lié à l'exercice d'une activité professionnelle.
197. La loi du 11 février 2005, un changement définitif
de prisme. - Si l'on excepte l'abondance des textes
réglementaires qui ont vu le jour à partir du milieu des
années 1970, l'autre événement particulièrement marquant
en matière de droit d'aide sociale lié au handicap
est certainement la loi du 11 février 200538
. Dès son intitulé,
la nouvelle loi affiche ses louables objectifs qui visent
à assurer « l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Ambitionnant de combler les insuffisances de la loi
de 1975, le législateur adopte en 2005 une véritable
37. V. à ce titre : J.-P. laBorde, « La " déconjugalisation " de l'allocation aux
personnes handicapées effective au 1er
S. Milano, « Parachever la réforme de l'allocation aux adultes handicapés
», RDSS 2008.148.
38. « La loi sur les personnes handicapées », dossier RDSS, 2005, n° 3 ;
« Politiques en faveur des personnes handicapées », RFAS 2005, n° 2.
113
oct. 2023 », Dr. soc. 2023.715 ;
; d'autre
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