Droit & Pratique professionnelle - Droit du handicap - 1re - 75

L'ACCESSIBILITÉ, DROIT FONDAMENTAL ?
et muet blessé et désorienté (il présentait de graves
lésions à la tête après être tombé dans des escaliers)
avec un état d'alcoolémie avancée. Placé en cellule de
dégrisement pendant quatorze heures, il y est mort.
S'agissant d'un détenu handicapé, la Cour écrit qu'il
y a lieu d'apporter d'autant plus de soin à garantir que
les conditions de détention répondent à ses besoins
propres. Or, en l'espèce, les policiers n'avaient pas fait
examiner le requérant par des professionnels de la santé
après l'avoir emmené au commissariat, alors que les
normes du Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) leur imposaient expressément de le faire. De
plus, ils ne lui avaient laissé aucune possibilité de donner
des informations sur son état de santé, alors même
qu'il n'avait cessé de frapper sur les portes et sur les
murs de sa cellule de dégrisement. Compte tenu de son
handicap, les policiers étaient clairement tenus, en droit
interne comme en droit international, de lui fournir au
moins un crayon et une feuille de papier afin qu'il puisse
communiquer40
. D'autres affaires portent sur le décès
ou la mise en danger de mort de personnes handicapées
mentales en institutions qui ne bénéficient pas de
conditions de vie normales en raison d'un désintérêt de
la société41
lors du décès
mais c'est aussi le cas des personnes handicapées
physiques dans des environnements inadaptés pour
eux comme le milieu carcéral ou les institutions pour
les étrangers en situation irrégulière. Les causes de
vulnérabilité ici se cumulent. Certains auteurs, toujours
plus nombreux, plaident pour un droit qui permette une
évaluation in concreto qui permette de comprendre
l'influence de ces multiples handicaps cumulés. Le
régime de protection contre la discrimination fondée
sur le handicap devrait conduire à des solutions portant
sur la reconnaissance de la discrimination multiple et
la protection contre celle-ci, grâce à l'approche individuelle
et à l'évaluation du contexte qu'il exige. Il faudrait
encourager l'introduction du concept de « discrimination
multiple » dans la législation, tant de l'Union que des
États membres43
.
C'est le cas44
d'une victime de la thalidomide, handi.
La Cour a rendu un arrêt solennel appelant
à la considération pour ces personnes42
de Valentin Câmpeanu, à l'âge de 18 ans, pendant son
séjour dans un hôpital psychiatrique, orphelin, séropositif
et atteint d'un grave handicap mental. Placé dans des
établissements médicaux qui n'étaient pas équipés pour
dispenser des soins adaptés à son état de santé, transféré
d'une structure à l'autre sans diagnostic adéquat,
mort de faim et de froid... En outre, il n'y avait pas eu
d'enquête effective sur les circonstances de son décès
et l'État roumain n'avait pas mis en place un dispositif
propre à offrir réparation aux personnes atteintes de
déficience mentale qui se disent victimes.
120. Article 3 : interdiction de la torture, des traitements
inhumains ou dégradants. - Les personnes
atteintes de handicaps mentaux en font souvent l'objet
40. CEDH, 21 déc. 2010, n° 45744/08, Jasinskis c. Lettonie.
41. CEDH, 18 juin 2013, n° 48609/06, Nencheva et autres c. Bulgarie.
42. CEDH, gr. ch., 17 juill. 2014, n° 47848/08, Centre de ressources juridiques
au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie.
capée des quatre membres et souffrant également de
problèmes rénaux. Elle passa une nuit dans une cellule
d'un commissariat, où elle dut dormir dans son fauteuil
roulant, le lit n'étant pas adapté aux personnes handicapées,
et où elle se plaignait du froid. Elle passa ensuite
deux jours dans une prison pour femmes, ou des surveillants
de sexe masculin devaient l'aider à utiliser les
toilettes. Dans une affaire française45
, un paraplégique
purge une peine de dix ans de réclusion criminelle. Bien
qu'autonome, il ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant
et ne peut circuler par ses propres moyens dans la
prison. La Cour a estimé que la détention d'une personne
handicapée dans un établissement où elle ne peut
se déplacer et en particulier quitter sa cellule par ses
propres moyens constitue un traitement dégradant au
sens de l'article 3 de la Convention.
121. Droit à la sûreté. - Cela peut se cumuler avec
une condamnation sur le fondement du droit à la sûreté :
la Cour considère qu'un sourd-muet46
, mentalement
retardé,
incapable d'utiliser
le langage des signes
et ne sachant ni lire ni écrire, n'avait pas obtenu les
43. V. A. Benioudaki, Le droit de la discrimination fondée sur le handicap
et l'état de santé et sa contribution à la lutte contre la discrimination
multiple, thèse droit Toulouse, 2017.
44. CEDH, 10 juill. 2001, n° 33394/96, Price c. Royaume-Uni.
45. CEDH, 24 oct. 2006, n° 6253/03, Vincent c. France.
46. CEDH, 8 nov. 2012, n° 28973/11, Z.H. c. Hongrie.
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