Revue - Revue française de Finances Publiques n°169-2025 - 210

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est vrai, reste inintelligible. Les sociétés commerciales ainsi que les
associations établissent annuellement un bilan et un compte de résultat,
lisibles et compréhensibles par tous les membres de la communauté et
par leurs partenaires. La reddition de comptes est le moment de vérité
qui valide ou infléchit la stratégie des gestionnaires et fonde la confiance
pour aller de l'avant. Par contraste, s'agissant de l'État, de la Sécurité
sociale ou des collectivités territoriales, rien de tel. Le débat annuel
se focalise sur le projet de budget dont la présentation et la discussion
déchaînent les passions. Le rituel permet à l'exécutif de valoriser et de
mettre en perspective son action. Le moment est propice aux annonces
exaltantes. L'opposition argumente avec véhémence, surenchérit et
articule ses contre-propositions. Un bon budget appelle plus de moyens
et toute tentative de mise en équilibre est qualifiée austérité. Chacun
est dans son rôle, les médias commentent. La communication bat son
plein, qu'importe la distance éventuellement prise avec la réalité. Voté,
le budget est exécuté et la reddition de comptes vient à son heure,
après la clôture de l'exercice. Qu'il s'agisse de la loi de règlement du
budget de l'État, de la loi d'approbation des comptes de la Sécurité
sociale ou du compte administratif pour les collectivités territoriales, le
vote intervient dans le désintérêt général.
La comptabilité est un langage universel, d'usage courant dans la
mondialisation. Mais les administrations publiques obéissent encore
à des règles spécifiques, strictement budgétaires. D'incontestables
progrès ont certes été accomplis pour sortir la « comptabilité publique »
de sa singularité en l'alignant progressivement sur les principes,
normes et nomenclature de la comptabilité générale. En revanche,
le format de la reddition de comptes n'a pas évolué. La masse des
documents budgétaires soumis à l'examen et au vote des assemblées
délibérantes ne comporte pas de présentation synthétique intelligible.
Cette présentation formelle, image éclatée de la réalité, ne suscite
manifestement qu'un intérêt réglementaire. À quoi bon certifier la
sincérité de documents non compréhensibles, illisibles par les parties
prenantes, élus, citoyens, contribuables, agents publics, financeurs,
médias ?
Ce qui est en cause, c'est la forme et le contenu de la reddition des
comptes. Les constituants de 1789 en avaient pourtant posé le principe
dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, article XV :
« La société a le droit de demander compte à tout agent public de
son administration ». Formulation si péremptoire qu'elle est gravée
dans un cartouche ornant la Grand Chambre de la Cour des comptes.
La reddition de comptes, pour essentielle qu'elle soit dans toute
RFFP n° 169 - Février 2025
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