Revue - Revue française de Finances Publiques n°169-2025 - 97

Le dualisme juridictionnel est-il un obstacle ?
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fût-elle, cette conception doctrinale dont Trotabas a fait justice, reposait
sur une analyse erronée de l'opération d'imposition, par essence et par
excellence opération de puissance publique nécessitant l'émission d'actes
administratifs ainsi que la mise en œuvre de procédures de contrainte
administrative »5
.
2. De ce dualisme hérité de l'imbrication d'un principe de séparation
des autorités judiciaire et administrative et de l'enracinement d'une
justice administrative indépendante, le tribunal des conflits, chargé
depuis la loi du 24 mai 1872 de régler les conflits d'attribution6
,
formule un axiome général relatif à la compétence des tribunaux : celle
du juge judiciaire ne s'étend pas au-delà des droits de mutation et des
contributions indirectes, alors que celle du juge administratif se voit
cantonnée aux impôts directs et de manière extensive à tous les impôts
qui ne rentrent pas dans l'une des précédentes catégories, dans la limite
d'actes ou d'opérations de puissance publique7
. Ce positionnement entre
en résonnance avec les décisions ultérieures du Conseil constitutionnel.
S'appuyant sur des principes fondamentaux reconnus par les lois de
la République, le Conseil constitutionnel a affirmé l'indépendance
de la juridiction administrative et reconnu à son profit une réserve de
compétence. Par sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur la
loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions
du Conseil de la concurrence, les magistrats du palais Montpensier
considèrent que « conformément à la conception française de la
séparation des pouvoirs, figure au nombre des " principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République " celui selon lequel, à l'exception
des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier
ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou
la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de
puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs
agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes
publics placés sous leur autorité ou leur contrôle »8
. Selon les impôts
en cause, le juge compétent est, en effet, tantôt le juge administratif,
tantôt le juge judiciaire. Derrière le masque du contentieux fiscal, un
juge judiciaire ou un juge administratif se dévoilent selon une clause
de compétence pour reprendre l'expression du professeur Bernard
5. G. GEST, « Dualité de juridiction et unité du droit fiscal », RFDA 1990, p. 822.
6. L'art. 13 V de la loi n° 2015-177 du 16 févr. 2015 modifie les attributions du Tribunal.
Voir P. GONOD, « La réforme réalisée. La modification de la loi du 24 mai 1872 », RFDA
2015, p. 331.
7. TC, 10 juillet 1956, Bourgogne-Bois, Rec. CE, p. 586 ; AJDA 1956, n° 458, note R. DRAGO.
8. CC, décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence, Rec. p. 8.
RFFP n° 169 - Février 2025

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