Mélanges - Écrits de Jean-Louis Pezant -1 - 308

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ÉcrIts de jean-louIs pezant

en 1974, a permis de multiplier les occasions de contrôle. Et l’on ne peut que constater qu’à travers l’acte législatif, c’est la capacité de décision de l’ensemble des acteurs qui est ainsi soumise à de très – trop ? – fortes contraintes. Ainsi la Constitution de 1958 a-t-elle créé un organe qu’elle a – sans le vouloir vraiment – habilité à sécréter des décisions dont certains vont jusqu’à considérer qu’elles sont purement et simplement la Constitution : « S’il fallait oser une explication par la psychanalyse, on emprunterait volontiers à Freud le mythe du meurtre du père, pour dire que le Conseil “tue” le texte constitutionnel, le dévore ensuite pour mieux se l’approprier, prendre sa place, et le faire revivre par sa voix, son action jurisprudentielle ! Dévalorisation-revalorisation : la résurrection contemporaine indiscutable de la notion de Constitution comme acte jurisprudentiel devait sans doute passer par l’effacement de la notion de Constitution comme acte écrit » 68. Plus que cette appréciation exaltée, cette invite prendrait mieux en compte ce que pourrait être la démarche du juge constitutionnel : « Si dans nombre de cas une interprétation constructive est nécessaire, elle doit rester très mesurée, discrète, modeste, et cela d’autant plus lorsqu’elle porte sur les règles fondamentales relatives à l’organisation de la nation et aux garanties des citoyens telles qu’elles ont été adoptées par les titulaires du pouvoir constituant. Si ces règles ne sont pas satisfaisantes, il faut les réviser mais il n’appartient pas à des juges, même au plus haut niveau de la hiérarchie, d’y procéder. Au fond, tout est dans la mesure et l’autolimitation de l’organe qui a en charge l’interprétation » 69. Si l’on ajoute au bouleversement qu’introduit l’intervention juridictionnelle le fait, déjà relevé, que, pour prendre en compte certaines situations de nécessité, le Conseil a été amené à rendre certaines décisions contra legem, on mesure tout l’environnement de solubilité dans lequel évolue l’ordre constitutionnel de la Ve République, et combien, de ce fait, est rendu parfois singulièrement aléatoire le raisonnement juridique s’appliquant à lui. Encore n’a-t-on pas évoqué l’autre facteur d’insécurité que constitue l’appartenance de notre pays à l’ordre communautaire européen. Cet état de choses ouvre à la doctrine un champ de manœuvre immense, et l’on peut penser que si elles en avaient eu la connaissance intuitive en 1958, certaines critiques qui s’élevèrent à l’apparition de l’ordre juridique que la nouvelle Constitution installait en auraient été sans doute quelque peu tempérées. La contrepartie en est naturellement l’existence d’un ordre juridique « flottant », chacun des acteurs pouvant trouver dans l’imagination créatrice des autres matières à encourager ses propres tentations. Si bien que s’agissant de la cohérence qui devrait exister entre la notion de Constitution et les règles qui devraient présider à l’application de celle-ci, il n’est pas sûr que le droit y trouve tout son compte.
68. Dominique Rousseau, « Une résurrection : la notion de Constitution », RDP, 1990, p. 16. 69. Pierre Pactet, Mélanges Robert, op. cit., p. 280.

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