Mélanges - Écrits de Jean-Louis Pezant -1 - 45

Chapitre deuxième

Une République sociale
Dans les études publiées sur Jules Ferry et son œuvre, M. Jean Dietz affirme que, avant 1900, la France n’a connu que deux générations vraiment déterminées à apporter une solution à la question sociale, d’une part celle de 1848, avec Proudhon et Louis Blanc, d’autre part celle de 1890, avec Jaurès et les socialistes. Cette opinion est certainement exacte en ce qui concerne Jules Ferry ; elle l’est moins en ce qui concerne Gambetta ; elle est très discutable pour ce qui est de Waldeck-Rousseau. C’est en tout cas ce que nous allons nous efforcer de montrer. C’est sans nul doute l’influence de son père qui détermina chez Waldeck-Rousseau son grand attrait pour les questions ouvrières 104. Sa profession, son tempérament, ne semblaient pas l’y porter : « je ne suis pas peuple », avait-il avoué une fois franchement. La raison seule l’y porta, et aussi sans doute la connaissance du danger auquel la société bourgeoise du XIXe siècle s’exposait si elle ne réalisait pas rapidement certaines réformes. M. Beau de Loménie, dans son ouvrage sur « La responsabilité des dynasties bourgeoises » 105, applique à Waldeck-Rousseau sa thèse habituelle, en l’accusant, comme d’ailleurs ses prédécesseurs, de s’être fait au pouvoir le défenseur des grands intérêts, du monde des affaires. Nous ne disposons pas des éléments suffisants pour infirmer cette opinion, d’ailleurs peu convaincante si l’on en juge par la faiblesse des preuves apportées ; mais il est aisé, par la seule consultation du Journal officiel, de se référer à la liste des propositions de loi, de caractère social, signées par Waldeck, dans la seule année 1882 106.

104. « On a eu raison de dire que, dès la première heure de ma vie politique, mon attention s’est tournée vers toutes les questions de prévoyance et d’assistance sociales et que, soit au Parlement, soit au dehors, cette attention ne s’est jamais ni affaiblie, ni découragée. », 26 octobre 1901, Vol. IV, p. 167. 105. Tome II, p. 322 et suiv. 106. – 11 février 1882 – proposition de loi sur la liberté d’association. – 16 mars 1882 – proposition de loi relative à la caisse des retraites pour la vieillesse, aux caisses d’assurances en cas de décès et d’incapacité de travail, et aux Associations de secours mutuels. – 6 février 1882 – proposition de loi ayant pour objet de régler les rapports des compagnies de chemin de fer avec leurs agents commissionnés. – 23 novembre 1882 – proposition de loi relative à la création de conseils de Prud’hommes mineurs et à l’institution de délégués mineurs. – 30 novembre 1882 – proposition de loi relative à la création et à l’organisation de Caisses de secours et de retraites pour les ouvriers mineurs.

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