Les Intégrales - Les contrats logistiques - 1re - 133

Chapitre 2 - Contrat de transport

Cette jurisprudence est très critiquable410. D'abord, elle confond effet relatif et opposabilité des conventions : un non contractant ne peut exiger l'exécution d'une obligation née
d'un contrat, mais il peut parfaitement opposer la situation juridique résultant de ce
contrat à ceux qui y sont parties. Ici, la situation, de pur fait, est que le vendeur ne subissant pas les risques du transport, il n'a subi aucun préjudice et n'a donc aucune raison
de demander une réparation411.
Le plus souvent, c'est de son geste commercial que le vendeur demandera indemnisation : alors qu'il n'y est nullement tenu, il a indemnisé l'acheteur, lui a fourni un autre
bien ou lui a remboursé le prix. Il demande alors au transporteur de l'indemniser de
cette générosité. Mais ceci n'est nullement justifié, puisque le vendeur n'est tenu à
aucune obligation d'indemnisation. La solution de la Cour de cassation fait peser sur le
transporteur le geste commercial du vendeur412 !
314 Vente à destination. - Réciproquement, la même juridiction a admis que l'acheteur
qui n'avait pas payé le prix des marchandises au vendeur dans une vente à destination,
en raison de leur défaut de livraison, pouvait néanmoins agir en responsabilité contre le
transporteur413.
315 Vente avec réserve de propriété. - En revanche, dans le cas où le transport porte sur
des marchandises vendues sous réserve de propriété du vendeur jusqu'au paiement,
l'acheteur n'en subit pas moins un préjudice réel en raison des dommages subis par la
marchandise au cours du transport. C'est donc avec raison que la jurisprudence admet
son action en responsabilité contre le transporteur, qui ne peut invoquer la clause de
réserve de propriété, profitant exclusivement au vendeur414.
316 Déduction du prix du transport. - La compensation consiste à déduire du prix du transport le montant des dommages et intérêts dus par le transporteur lorsque sa responsabilité est engagée. C'est sur ce principe que fonctionne un compte courant, où les créances
et dettes se compensent mutuellement de sorte que, à l'arrivée du terme, celui qui reste
finalement débiteur ne règle que le solde. La compensation peut également intervenir
ponctuellement, l'expéditeur déduisant le montant des indemnités que le transporteur
lui doit du prix que celui-ci lui réclame.

Les contrats-types interdisent cependant la compensation « sauvage », c'est-à-dire
« l'imputation unilatérale du montant des dommages allégués sur le prix du
transport »415. Par conséquent, la compensation ne peut être opérée que lorsque le
montant des dommages et intérêts est établi, soit par une décision de justice, soit par
une reconnaissance de responsabilité, chiffrée, du transporteur. Ceci correspond à une
(410) La même juridiction reconnaît que l'acheteur qui a revendu la marchandise n'a pas d'intérêt à agir contre le
vendeur en raison des défauts de celle-ci : Cass. com., 3 mai 2016, nº 13-27655.
(411) La question se pose également pour le fondement de l'action. Certaines juridictions considèrent qu'il s'agit d'une
action délictuelle, qui ne serait donc pas soumise à la règlementation du contrat de transport. CA Rouen, 6 déc.
2007, nº 06/03429, Rev. dr. transp. 2008, comm. 58, note C. PAULIN : « Dans ce type de vente, le vendeur n'a pas
juridiquement la qualité d'expéditeur, reste étranger au contrat de transport et ne peut sur le fondement de celui-ci
exercer contre le transporteur une action en réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de l'inexécution
de ce contrat. Il est toutefois recevable à agir sur le terrain délictuel ».
(412) Dans le même sens, pour le geste commercial d'un commissionnaire : Cass. com., 5 oct. 2010, nº 09-69925 -
Cass. com., 21 sept. 2010, nº 09-14031 - Cass. com., 28 mai 2010, nº 08-22079, Rev. dr. transp. 2010,
comm. 173, note C. PAULIN. À noter toutefois que le geste commercial pourrait donner lieu à indemnisation, à
condition que l'expéditeur soit obligé de réparer le dommage à l'égard du destinataire : Cass. com., 10 mai 2012,
nº 11-12993.
(413) Cass. com., 9 avr. 2013, nº 12-10159 : « le contrat de vente et le contrat de transport étant indépendants, le transporteur ne peut se prévaloir des effets de la vente quant aux droits et obligations de l'acheteur ».
(414) CA Lyon, 28 févr. 2008, nº 06/08059, Rev. dr. transp. 2008, comm. 189, note C. PAULIN
(415) Par ex., contrat-type général, art. 18.2. À noter que l'action tendant au paiement du prix du transport suite à une
compensation arbitraire de l'expéditeur est soumise à la prescription du contrat de transport (Cass. com., 16 janv.
2007, nº 05-17001, Rev. dr. transp. 2007, comm. 24, obs. C. PAULIN ; comm. 157, note O. STAÈS).

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