Les Intégrales - Les contrats logistiques - 1re - 246

LES CONTRATS LOGISTIQUES

préjudice causé au prestaire risque d'être plus grave s'il est en état de dépendance
économique, ce qui alourdira l'indemnisation.
559 Dépendance vis-à-vis du prestataire. - Un des risques liés à l'externalisation logistique
est la perte de contrôle de l'activité par le donneur d'ordre et la dépendance consécutive
à l'égard du prestataire. Celles-ci dépendent naturellement de l'importance des activités
externalisées : faible s'il s'agit de tâches élémentaires et ponctuelles, elles deviennent
déterminantes en cas d'impartition de tout un service logistique. À cela s'ajoute le
risque d'une perte de savoir-faire, particulièrement lorsque le transfert du personnel a
accompagné l'externalisation. La dépendance vis-à-vis du prestataire peut être prise en
compte à différents niveaux dans le contrat, qu'il s'agisse de son exécution ou de sa
cessation. Il s'agira par exemple de stipuler une clause d'exclusivité ou au moins d'interdire au prestataire de travailler pour un concurrent du donneur d'ordre, d'insérer des
clauses de confidentialité, d'organiser les modalités de la cessation du contrat... En
revanche, il n'existe pas de solution juridique unitaire permettant de réduire la dépendance du client vis-à-vis du prestataire. C'est une question qui relève de la stratégie de
l'entreprise, de la décision et des modalités techniques de l'impartition.
560 Partenariat. - Au moins dans la doctrine, l'exécution des contrats logistiques tend à
établir un partenariat entre les parties. Au-delà de la stricte collaboration nécessaire à
l'exécution des prestations, une relation mutuellement profitable est parfois préconisée.
Un tel partenariat se réalise déjà à certains égards. Il se manifeste par exemple dans la
communication d'informations confidentielles, sans doute indispensables à l'exécution
du contrat, mais qui suppose déjà que les parties s'accordent un certain degré de
confiance mutuelle. La rémunération du prestataire en fonction du chiffre d'affaires du
donneur d'ordre illustre également cette tendance à l'association des parties au contrat
logistique. La jurisprudence développe l'exigence de bonne foi28 dans le contrat, qui
oblige les parties à adopter l'une envers l'autre un comportement loyal. Cette exigence
optimiste soulève néanmoins des incertitudes, puisqu'il reviendra finalement au juge
d'apprécier si le comportement du donneur d'ordre ou du prestataire logistique a été
conforme à la bonne foi.
561 Facilités de paiement. - Devant l'incertitude que soulève l'exigence de bonne foi, il
est important de souligner que la Cour de cassation a exclu que celle-ci puisse obliger
un contractant à modifier les modalités de paiement convenues au contrat, afin de tenir
compte des difficultés de son partenaire29.
562 Renégociation. - L'ordonnance du 10 février 201630 réformant le droit des contrats a
introduit une obligation générale de renégocier les termes du contrat lorsque des circonstances imprévisibles lors de la conclusion en rendent l'exécution excessivement onéreuse
pour un contractant. Le nouvel article 1195 du Code civil31 fait ainsi évoluer la solution
auparavant traditionnelle qui, en vertu de la force obligatoire des contrats, imposait au
débiteur l'exécution de ses obligations quel qu'en soit le coût et excluait toute révision
du contrat en cas d'imprévision de sa part. La nouvelle disposition s'applique
(28) C. civ., art. 1104 : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public ».
(29) Cass. com., 19 juin 2019, nº 17-29000 : « l'exigence de bonne foi n'autorise pas le juge à porter atteinte aux modalités de paiement du prix fixé par les parties, lesquelles constituent la substance même des droits et obligations
légalement convenus entre les parties ».
(30) Ord. nº 2016-131, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
(31) C. civ., art. 1195 : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander
une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et
aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À
défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre
fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ».

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