Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 213

Le marché de la dette souveraine

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ordre. Loin de se trouver dans une relation d’opposition, État et marché se situeraient dans une relation de complémentarité. Le néo-libéralisme propose une conﬁguration du pouvoir tout à fait inédite. Celle d’un souverain asservi au marché. Avec la gouvernance, l’État s’aplatit, consciemment. Il renie le caractère vertical du pouvoir. Il laisse la place libre. Dans certaines circonstances, il organise même son remplacement par le marché, ainsi en matière ﬁnancière, tant en France qu’en Europe 85. La loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France interdit au Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à un taux d’intérêt nul. En effet l’article 25, repris à l’article L 141-3 du Code monétaire et ﬁnancier, dispose « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Selon le ministre des Finances de l’époque et futur président de la République, il s’agissait « d’une réforme moderne », destinée à « constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu’il soit émis par une entité privée ou publique ». De plus cette possibilité, celle de faire tourner la « planche à billets », aurait « généré partout où elle fut appliquée une situation d’inﬂation monétaire permanente » 86. Idée paranoïaque qui consiste à faire payer par les contribuables le prix de l’inconséquence de ses dirigeants. Avec cette disposition, au lieu de faire ﬁnancer les besoins de la collectivité par une augmentation de la ﬁscalité ou un prêt de la banque centrale, le Trésor public s’adresse au marché, moyennant paiement des intérêts. Lorsque les principales banques sont nationalisées, il s’agit d’un moindre mal. Avec leur privatisation, l’opération s’assimile à une extraction en bande organisée par alliance entre le banquier et le technocrate. Il sufﬁt d’emprunter à un taux nul ou presque auprès des banques centrales et de prêter à plus de 10 %, par exemple à la Grèce en bénéﬁciant de la garantie en dernier ressort de la zone euro. Idée fausse, ensuite puisque l’inﬂation que l’on espérait juguler se maintiendra avec constance au-dessus de 8 % après l’adoption de cette mesure. Idée anticonstitutionnelle, peut-être, puisque l’article 34 de notre constitution dispose encore que « la loi ﬁxe les règles concernant le régime d’émission de la monnaie ». Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht et avec la mise en œuvre de l’Euro, la question trouve son siège aujourd’hui à l’article 123 du Traité sur
85. Sur la question, cf. l’ouvrage colossal et remarquable de T. BONNEAU et F. DRUMOND, Droit des marchés ﬁnanciers, Economica, Paris, 2010, p. 40 et s. qui décrit bien le glissement du pouvoir normatif vers des entreprises de marché ; J.-J. DAIGRE, « Les nouvelles règles de marché », Rev. dr. Bancaire et ﬁnancier, juillet-août 2001, p. 213 et s. 86. L’explication se trouve sur le blog de Valéry Giscard d’Estaing le 25 juillet 2008.
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