Cours - Droit du travail -3 - 250

La modification de la situation juridique de l’employeur

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Ainsi, en maintenant l’exigence d’un lien de droit pour l’application de l’article L. 1224‑1 du Code du travail, la jurisprudence française est en contradiction avec le droit communau‑ taire. Cette contrariété va amener la Cour de cassation à modifier sa position. •  Le  quatrième  temps  est  marqué  par  un  revirement  de  jurisprudence.  L’Assemblée  plé‑ nière décide, dans deux arrêts du 16 mars 1990, que les articles 1er et 3e de la directive du 14 février 1977 du Conseil des Communautés européennes (qui n’exige pas de lien de droit) et l’article L. 1224‑1 du Code du travail s’appliquent, même en l’absence de lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d’une entité économique conservant son identité dont l’activité est poursuivie ou reprise. Tels sont les cas pour une concession d’arènes ou un terrain de camping réunissant les conditions requises 25. 544. – Si l’on tente alors de faire une synthèse, plusieurs observations s’imposent. D’abord, l’article L. 1224‑1 du Code du travail ne s’applique pas automatiquement, dès lors qu’il s’agit de la seule perte d’un marché 26  : «  à elle seule, l’exécution d’un marché de prestations de services par un nouveau titulaire ne réalise pas le transfert d’une entité économique ». La juris‑ prudence est constante sur ce point 27. Il en résulte que le nouveau prestataire de services, dans l’hypothèse de l’acquisition d’un marché, n’est pas soumis à un sort particulier au regard de l’article L. 1224‑1 du Code du travail. Comme dans les autres cas de modification de la situa‑ tion juridique de l’employeur, il n’y a lieu de maintenir les contrats de travail en cours que s’il est constaté le transfert d’une entité économique selon les conditions requises de l’identité et de l’activité se maintenant. Ensuite, naturellement, le lien de droit entre les employeurs successifs n’est pas nécessaire. Enfin, il faudra s’attacher au contenu de l’entité. Ce qui mérite quelques approfondissements.
2o/ La détermination de l’entité économique

545. – C’est en premier lieu la jurisprudence de l’Union qui va expliciter la notion. Avec force et constance, elle va rappeler l’idée qu’il appartient aux juges des juridictions natio‑ nales d’identifier, en fonction des éléments en leur possession, l’entité économique. Le prin‑ cipe est souligné tant dans les conclusions des avocats généraux 28, que dans les décisions elles‑mêmes 29. La Cour de justice des Communautés européennes livre, ainsi, sa définition de l’entité, à entendre comme « un ensemble organisé de personnes et d’éléments de patrimoine (corporels et/ou incorporels) à l’aide desquels s’exerce une activité économique poursuivant un objectif propre » 30.
25. Cass. ass. plén., 16 mars 1990, SA Nîmoise de tauromachie et de spectacles (1er arrêt) et Touring Club de Paris Ouest (2e arrêt), RJS 1990, n° 281, note Couturier G., Dr. soc. 1990, p. 412. 26. Cass. soc., 6 nov. 1991, Sonevie, RJS 1991, n° 1293. 27. Cass. soc., 18 déc. 2000, Dauenhauer, RJS 2001, n° 168 (pour l’entretien de locaux – prestation de service – non‑applica‑ tion de l’article L. 1224‑1 du Code du travail) ; voir également Cass. soc., 10 juill. 2001, SA Groupe Miller Freeman France, RJS 2001, n° 1262. 28. Van Gerwen W., concl. sur CJCE, 14 avr. 1994, Christel Schmidt, Rec. CJCE, 1994 I 1313, point 11 ; Lenz C.O., concl. sur CJCE, 15 oct. 1996, Annette Henke, Rec. CJCE, 1996 I 4991, point 58. 29. CJCE, 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys, aff. C‑171/94 et C 172/94, Rec. CJCE, 1996 I 1253, point 17 ; CJCE, 11 mars 1997, Ayse Süzen, aff. C‑13/95, Rec. CJCE, 1997 I 1268, points 14 et 18 ; obs. Boutard‑Labarde M.‑C., chron. « Droit com‑ munautaire », JCP G 1997 I 4027, n° 8 ; JCP E 1997 pan 380 ; RJS 1997, n° 770. 30. Ibid. CJCE, 11 mars 1997, point 13 ; voir également Van Gerwen W., concl. sur CJCE, 14 avr. 1994, Christel Schmidt, Rec. CJCE, 1994 I 1313, point 14.
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