ESCP Europe Alumni Magazine - n°153 - Mars/Avril 2014 - 24

FoCus

Par Christophe AGNUS (MS Médias 89)

Ma petite
entreprise

Co-Président de la Commission Communication de ESCP Europe Alumni et
Président Fondateur de Sopixi et Walabiz (création de sites Internet), Christophe
AGNUS explique le difficile métier de dirigeant d'une petite entreprise
où c'est impératif d'être multitâche.
« Toi, tu n'as pas peur du vide... »
J'ai encore en tête la réflexion de
la DRH de Mondadori France qui
venait d'apprendre ma démission
du groupe, dont j'étais directeur
délégué. J'y pense souvent car
elle avait tort : j'ai horreur du
vide. D'où mon choix de créer,
cinq jours après mon départ, une
« petite » entreprise, au lieu de
rejoindre une autre « grande ». Les
guillemets sont volontaires, comme
ceux que je mets à « grands »
patrons. Ce n'est pas la taille qui
compte.

der du temps pour la réunion des Alumni d'ESCP
Europe... J'ai oublié quelque chose ? Ah oui ! La
famille. Préserver du temps pour la famille. Il faut
presque les mettre dans l'agenda...
Et il faut apprendre tous les métiers. Dont les RH.
Très important, l'équipe. Pas question de laisser
quelqu'un d'autre choisir ceux qui vont vous aider
à aller plus vite, plus loin. Il faut savoir oublier les
CV pour faire confiance aux êtres, guêter le regard
curieux, la remarque pertinente qui trahit l'intelligence, la curiosité, la franchise et la loyauté, des
valeurs de base pour monter l'Everest ensemble.
Une fois à bord, il faut encore veiller à ce qu'ils
se sentent bien, respectés, valorisés. Soigner
l'équipe. SON équipe.

La « petite » boîte est plus valorisante

« Petite » société mais « grandes » ambitions

Car une « petite » boîte est beaucoup plus valorisante qu'une « grande ». Plus stressante (les
yeux sur la trésorerie, les angoisses des délais de
paiement...), moins rémunératrice (au moins les
premières années...), plus prenante (les nuits sur
la compta, les petits matins à déchiffrer le code du
travail), plus responsable (pas le droit à l'échec,
sous peine de perdre sa maison...), moins flatteuse socialement (fini les avions en première
classe et les 3 étoiles Michelin), mais tellement
plus valorisante quand on aime « réaliser ».

Mais les bonheurs sont à la hauteur : quand la
société dégage des bénéfices, on en connaît vraiment le prix. Quand le « petit jeune », embauché
sur une intuition alors qu'il n'avait ni diplôme ni expérience, vous livre un super produit, il n'est pas
le seul à être fier. Quand la vingtaine de salariés
se retrouve en riant autour d'un gâteau anniversaire, on sent qu'aucun sourire n'est feint. Dans
une structure petite ou moyenne, il n'y a pas de
politique, juste des efforts. Et « petite » société ne
veut pas dire « petites » ambitions. Comme celles
qui se disent « grandes », nous travaillons (de
plus en plus) à l'international. Nous remplaçons
la puissance (que nous n'avons pas), par l'agilité,
l'adaptabilité. Et l'humilité, quand les équipes des
« grandes » sociétés nous regardent un peu de
haut, juste avant qu'on leur pique le marché...
Il y a quelques mois, j'ai invité en stage les patrons
du CAC 40. L'un d'entre eux est venu. Il a visité
l'entreprise, et nous avons longuement échangé.
Je ne saurais jamais ce qu'il en a vraiment retenu.
Mais j'espère juste qu'il a compris qu'une entreprise pouvait être « grande » sans être grosse. ●

Être au four et au moulin
Pourtant, les contraintes sont lourdes. Avant d'atteindre la taille critique, pas de DRH ni de DAF. Il
faut se débrouiller dans le maquis juridique avec
son expert-comptable et son avocat. S'adapter
aux procédures lourdingues des grosses entreprises clientes et leurs réunionites aiguës, tout
en gardant du temps pour trouver les nouveaux
clients, sans oublier d'accompagner les équipes
au quotidien ni de gérer les problèmes d'EDF,
d'achats divers, de tickets restaurants, et de gar-

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