Centraliens - La revue des Arts et Manufactures - Juillet 2013 / N°627 - 18

Dossier

Les enjeux

du Supergrid
L’intégration des énergies
renouvelables dans le réseau
de transmission d’électricité
européen impose le développement d’un « supergrid »
basé sur la haute tension
en courant continu.

L

’Europe a besoin, pour atteindre ses
objectifs de réduction de CO2 comme
pour assurer son indépendance énergétique dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles, de diminuer
sa dépendance à ces dernières en exploitant ses importants gisements d’énergies
renouvelables. Ces énergies renouvelables
sont aujourd’hui principalement l’hydroélectricité, l’éolien, le solaire, la biomasse
et dans une moindre mesure les énergies
marines. Ce type de génération pose néanmoins deux difficultés majeures  : ces ressources sont parfois éloignées des points de
consommation et certaines de ces énergies
renouvelables dépendent des conditions
météorologiques, ce qui crée une fluctuation de génération dont nous n’avons que
peu de contrôle.

Transport d’énergie
sur de longues distances
et connexions offshore
La question d’une génération d’énergie
parfois éloignée des centres de consommation n’est pas nouvelle et a présidé à la
construction du réseau en courant alternatif que nous connaissons actuellement,
essentiellement conçu pour acheminer la
génération d’énergies fossiles, de centrales
à charbon installées à proximité des zones
d’extraction ou de centrales nucléaires.
Pour des puissances importantes et plus
éloignées encore c’est le courant continu
qui est employé afin de limiter les pertes
dues au transport en courant alternatif.
Pour prendre deux exemples parmi tant
d’autres, c’est la technologie retenue pour
acheminer au Brésil l’énergie hydro-électrique du bassin amazonien vers les centres

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de consommation éloignés de 2  500 kilomètres, ou encore ce qui permet d’alimenter le sud-est de la Chine à partir d’une
génération effectuée dans le quart nord-est
ou au centre du pays.
Plus récemment, pour exploiter efficacement une source importante d’énergie éolienne qui se trouve en mer assez loin des
côtes, on utilise des connexions en courant
continu qui diminuent les pertes qu’occasionnerait la transmission d’énergie en
courant alternatif par câbles sous-marins.
Cependant, les sous-stations et câbles sousmarins en courant continu coûtent cher et
peuvent rendre à terme prohibitif de multiples connexions radiales au réseau terrestre.
Le seul moyen de contourner le problème
est alors de mutualiser les liaisons en interconnectant plusieurs champs d’éoliennes
offshore entre eux. Ces liaisons en courant
continu permettront également de connecter
chaque source de génération à plusieurs pays,
constituant un véritable réseau en courant
continu à l’échelle de l’Europe.
Enfin, ce sont aussi des liaisons en courant continu qui permettront d’acheminer
vers l’Europe l’énergie solaire produite en
Afrique du Nord et autour du bassin méditerranéen.

Mutualisation des sources
d’énergies intermittentes
au niveau européen
Face à l’équilibre permanent entre génération et consommation d’électricité, la fluctuation non contrôlée de production issue
des énergies renouvelables est un autre
défi qui peut être partiellement traité par
une meilleure interconnexion du réseau
européen permettant de mutualiser les
sources d’énergies intermittentes et ainsi
de diminuer les aléas  : la force du vent en
Mer du Nord n’est pas directement corrélée à l’ensoleillement en Espagne et il est
possible d’utiliser l’énergie hydraulique de
la Scandinavie quand les autres sources de
génération deviennent insuffisantes.
Cette interconnexion entre des réseaux
différents passe également par le courant
continu qui permet de faire transiter beaucoup plus d’énergie dans une même ligne

et de s’affranchir de la désynchronisation
des différents réseaux alternatifs intra-européens. Ce réseau de transmission haute
tension interconnectant l’ensemble des
pays européens et leurs sources d’énergie
est ce qu’on appelle un « supergrid ».

Quatre barrières
technologiques et
un business model à définir
Il y a encore quatre barrières technologiques majeures pour permettre le développement d’une grille à courant continu
en Europe : la capacité à couper le courant
continu (qui ne passe pas alternativement
par zéro comme le courant alternatif que
l’on coupe à ce moment précis), les convertisseurs permettant de changer de niveau
de tension, un système de contrôle permettant de gérer les flux d’énergie dans la
grille à courant continu et la protection de
la grille en cas de défauts électriques qui
se propagent beaucoup plus vite que dans
un réseau en courant alternatif. L’ensemble
de ces points donne lieu à des développements chez les équipementiers de réseau  :
le disjoncteur à courant continu devrait
être commercialisable dans les prochaines
années, les schémas de principe d’un système de contrôle des flux a été développé.
Les convertisseurs à courant continu comme
les schémas de protection de réseau font
l’objet de projets de recherche entre les
équipementiers et les universités.
Reste aussi, dans le cas d’un « supergrid »
européen, à définir la répartition des responsabilités entre les acteurs et à financer
ces investissements qui dépassent les 100 milliards d’euro.
Le développement d’un « supergrid » à courant continu représente, malgré ses défis
économiques et technologiques, le seul
moyen viable d’intégrer de larges quantités
d’énergie renouvelable dans le système de
réseau de transmission électrique européen
et constitue de ce fait un enjeu majeur dans
la recherche de l’Europe d’une baisse de ses
émission des gaz à effet de serre, d’une optimisation des coûts de électricité et d’une
meilleure indépendance énergétique.
n
Xavier Becquey (93)
Centraliens no627 [Juillet 201
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