Centraliens - La revue des Arts et Manufactures - Juillet 2013 / N°627 - 29

ÉNERGIES MARINES

En 2009, DCNS et le Conseil Régional de la
Réunion ont signé un accord pour la construction d’un prototype à terre, reproduction
à échelle réduite du système de production
d’énergie d’une future centrale ETM. Le système simule les arrivées d’eau chaude et d’eau
froide nécessaires à son fonctionnement. Ce
prototype est un outil de recherche et développement ayant pour but principal de tester
différents éléments clés du système de production d’énergie (échangeurs de chaleur, cycles
thermodynamiques...). Il vise également à optimiser les enjeux technologiques et financiers
liés à l’ETM. Le prototype à terre ETM a été
construit et qualifié dans le centre DCNS de
Nantes-Indret. Il a ensuite été transféré et mis
en fonction début 2012 sur le site de l’université
de Saint Pierre à La Réunion (Figure 3).

Enjeux techniques
pour le déploiement en mer

Le principe est d’embarquer le process de production sur une plate-forme flottante, ancrée à
plusieurs km des côtes. Son impact visuel est
donc limité.
L’unité flottante de production d’ETM est
constituée :
❚ des équipements du process « évaporateurturbine-condenseur »
❚ des conduites d’aspiration et de rejet d’eau
chaude de surface et d’eau froide de grande
profondeur, ainsi que des pompes d’alimentation ;
❚ d’une infrastructure flottante supportant
l’ensemble des équipements
❚ d’un système d’ancrage permettant le maintien sur site quelles que soient les conditions
d’environnement (Figure 4).
Si la conception du flotteur relève de la technologie bien maîtrisée de l’offshore, les enjeux
concernent surtout, d’une part, la conception
d’un système d’ancrage pour des profondeurs
de plus de 1000 m d’eau, et devant résister à
des conditions cycloniques et, d’autre part, la
conception des conduites d’aspiration d’eau
froide. L’utilisation des conduites pétrolières
n’est pas envisageable pour des raisons de diamètre nécessairement plus important et de
contraintes de fabrication et de déploiement
(Figure 5).
L’écart relativement faible de température
entre les eaux de surface et de profondeur
limite l’efficacité énergétique d’une centrale
ETM. Cette faible efficacité doit être compensée par un débit d’eau élevé qui nécessite une
consommation d’énergie. L’optimisation du
fonctionnement de tous les composants du
process et de leur maintenance est donc un
facteur clé du succès économique de l’ETM.

Enjeu environnemental

Une centrale ETM ne rejette pas de polluants.
Quelques risques sont parfois mis en avant :
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poissons entraînés par le pompage d’eau, utilisation de chlore ou de faibles doses de biocide
pour éviter la biosalissure et les dépôts marins
par exemple. Mais ces risques sont a priori très
réduits.
Si l’eau en profondeur est riche en CO2, le facteur carbone de cette source d’énergie est très
avantageux. Par exemple, une centrale ETM
émettrait près de 100 fois moins de dioxyde de
carbone qu’une centrale électrique thermique.
Autre avantage, une centrale rejette les eaux de
pompage en profondeur, ce qui peut créer une
remontée d’eau artificielle en surface pouvant
participer à l’accroissement de la production
biologique. Ces « upwelling » ramènent en
effet des nutriments riches à la surface et améliorent la photosynthèse, base de la nourriture
de la faune maritime, en réduisant également
le phénomène d’eutrophisation.
n
Thierry Bouchet

Figure 2 : Cycle de Rankine

Chiffres clés

Le rendement d’une centrale ETM
est défini par le rapport de la quantité d’énergie électrique produite sur
l’énergie de vaporisation du fluide
caloporteur.
Le rendement maximum qui puisse
être atteint est celui de Carnot. Ce
rendement est de près de 7% pour une
centrale à cycle fermé avec des températures d’eau froide de 4°C et d’eau chaude
de 24°C à comparer à près de 40% pour
une turbine à gaz.
Le potentiel global de production de
l’énergie thermique des mers dans le
monde pourrait atteindre 10 000 TWh/an
selon une étude de l’AIE-OES (Agence
Internationale de l’Energie) consacrée
aux énergies marines, soit l’équivalent
de plus de la moitié de la consommation
mondiale d’électricité.
En France d’Outre-Mer, le potentiel de
production pourrait techniquement atteindre 1,4 TWh en 2020, soit l’équivalent de 0,3% de la consommation intérieure brute, en supposant une capacité
installée de 0,2 GW à cet horizon.
Les coûts actuels des investissements
sont de 20 M€/MW installé, induisant
des coûts de production de 500 €/MWh,
un chiffre d’ores et déjà inférieur aux
coûts marginaux d’exploitation des centrales thermiques d’îles isolées du Pacifique. Une réduction des coûts, par apprentissage et effet d’échelle permettant
d’atteindre le seuil de 10 M€/MW installé, rendrait cette énergie compétitive
sur un très large secteur intertropical.

Figure 3 : Prototype à terre ETM – DCNS (La Réunion)

Figure 4 : Projet de centrale pilote ETM de 10 MW (©DCNS)

Thierry Bouchet
Thierry Bouchet est Ingénieur et travaille au sein
du groupe DCNS depuis
1980. Il y a occupé diverses
fonctions de responsable
de maintien en conditions
opérationnelles, d’essais et d’études dans
les domaines des navires armés. Actuellement chef de département au sein de la
BU Energies Marines Renouvelables, il est
responsable du développement technique de
l’Energie Thermique des Mers.

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