Centraliens - N°628 - La revue des Arts et Manufactures - Août/Septembre 2013 - 16

Dossier

L’artiste et la commande

Au risque de ne devenir
qu’un prestataire de
services, entre création
libre et commande,
comment peut
se situer un artiste ?
La question n’est pas
récente, mais elle
interroge certaines
pratiques contemporaines
dont les enjeux
économiques sont
importants.

Nähraum, entrepôt abandonné
dans l’aile nord de la Gare
de Kassel 2012.
István Csákány « Sewing room ».
Reproduction grandeur nature
de tout un atelier de confection.
L’artiste hongrois érige ici une forme
de monument en hommage
au travail et à l’ouvrier, tout à
la fois présent et invisible.
Œuvre financée par la Documenta
à l’aide de mécènes industriels
et financiers.

n a tous en tête cette représentation
de l’artiste réalisant ses œuvresobjets (objets 2D ou 3D en simple
ou multiples exemplaires) selon
son désir puis les proposant au marché par
l’intermédiaire de sa galerie ou plutôt de
réseaux internationaux de galeries.
Si les plus grandes stars de l’art comme Jeff
Koons, Damien Hirst, Anselm Kiefer…
fonctionnent ainsi, ce n’est plus le modèle
prédominant.
Beaucoup d’artistes contemporains travaillent en réseau avec de multiples intervenants sur des projets dont le financement
complexe est assuré par une galerie, des
collectionneurs, une institution commanditaire, et l’artiste sur ses fonds propres. Le
lieu de présentation des œuvres ou le site
d’exécution de la prestation sont très divers.
L’œuvre se développera « in situ » en fonction de ce lieu directement ou à partir d’éléments faits préalablement dans l’atelier de
l’artiste.
Beaucoup d’œuvres présentées dans les
Biennales d’Art Contemporain sont réalisées
sur ce mode ; l’artiste choisi par le « curator »
peut rester totalement libre de sa création ou
travailler à partir de « recommandations ».
Le financement est assuré par la Biennale et/
ou la galerie de l’artiste.

Et les fonds privés ?

Autre exemple : Bernar Venet est invité à
exposer au château de Versailles fin 2011, Le
projet coûte 2,5 M€. Il est financé à 90% par
des fonds privés (mécènes, entreprises partenaires, l’artiste qui vendra les réalisations).

Les œuvres seront produites spécialement
pour cet évènement mais dans la lignée des
travaux de l’artiste sur ses « lignes indéterminées » en acier corten. Les études techniques complexes des 16 arcs « 85,8° x 16 »
ont été faites
par le Cabinet d’ingénierie Greisch de Liège.
Les arcs ont été réalisés par l’entreprise de
chaudronnerie Melens
& Dejardin de Jupille-sur-Meuse (Belgique).
Il n’y a pas commande d’œuvres, elles restent
propriétés de l’artiste.
Peut-on dire qu’il a été prestataire de service ?
Un autre mode de développement de projets
artistique peut être mis en œuvre.
Un ou des commanditaires (groupe de
personnes concernées par un site, un bâtiment, un évènement, l’histoire, des rapports
sociaux dégradés) peuvent monter un projet culturel avec un artiste, des financeurs et
un médiateur qui assurera la liaison entre
les différentes parties. Souvent l’artiste est
choisi, plus sur son mode d’intervention que
sur un catalogue d’œuvres préexistantes. La
Fondation de France peut intervenir dans ce
type de projet.
Il y a ainsi des projets conçus dans l’entreprise, sur proposition de salariés, réalisés
avec des matériaux et moyens de l’entreprise,
où des collaborateurs interviennent à coté
de l’artiste et d’un « facilitateur » extérieur.
Les retombées sur le « business » de l’entreprise peuvent être étonnantes.
n
Jacques Gautier (1975)
am@intercreart.eu

Centraliens no628 [août/septembre 201
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Centraliens - N°628 - La revue des Arts et Manufactures - Août/Septembre 2013

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