Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 20

Dossier

La France, terre

des champions du luxe
Avec des taux de marge opérationnelle exceptionnels (32 % pour la branche Mode et Maroquinerie
de LVMH 1 , 24% pour le groupe Richemont 2 ), le luxe afﬁche une santé insolente qui impressionne
et surprend dans ce contexte de crise.

uelles sont les caractéristiques de
ces champions hors-norme ? Et
comment s'expliquent leurs performances économiques alors
que le commerce mondial et la production
industrielle en France sont à la baisse ?
Les raisons sont multiples et chaque marque
a sa propre histoire, son propre héritage qui
fait sa force et définit son « ADN ». Nous
n'essaierons ici que de faire la liste des fondamentaux du luxe, sans négliger les risques
et les défis à venir.
Les cinq premiers groupes de luxe sont européens, menés par LVMH et son portefeuille
exceptionnel de marques françaises ou étrangères. Les groupes de luxe sont d'abord des
groupes financiers puissants aux noms peu
connus du grand public (LVMH, Richemont,
Kering) qui gèrent leurs marques comme
autant de pépites à protéger et à développer,
dans des secteurs aussi divers que la mode,
la joaillerie, l'horlogerie, les parfums ou le
champagne. Ils apportent aux marques la
puissance financière nécessaire pour lancer
des campagnes media mondiales, recruter les
célébrités qui deviendront leurs égéries et ouvrir des boutiques sublimes mais aux loyers
exorbitants. Seuls ces « champions » peuvent
rentabiliser les temples du luxe qu'on trouve
sur la 5e avenue à New York, l'avenue Montaigne à Paris, Ginza à Tokyo ou au Plaza 66
de Shanghai.
Si la puissance financière est leur premier
point commun, la force de l'identité est la
seconde caractéristique de ces marques
« stars ».
Acheter un produit de luxe c'est entrer
dans un monde nouveau, c'est rechercher la
beauté avant l'utile, c'est pouvoir être reconnu socialement où que l'on aille. Il y a mille
définitions du luxe et sûrement autant de raisons d'acheter un produit, mais une marque
de luxe est toujours reconnaissable et synonyme d'exclusivité. Au-delà des « codes »
visuels tels que le noir de la bouteille Dom

Pérignon, le motif du col d'un trench Burberry ou la forme du sac Kelly d'Hermès, le
cœur d'une marque réside dans son héritage
et son savoir-faire uniques. La capacité de
« storytelling » permet aux marques de luxe
de revendiquer leur statut d'icônes. Il y a
presque du mystique dans cette recherche
de l'âme de la marque, que les campagnes
institutionnelles tentent de véhiculer dans
l'esprit des clients.
Chaque maison de luxe renferme les mille
secrets de ses artisans qui façonnent avec
minutie les plus beaux produits sans jamais
compromettre la qualité des matières et des
finitions. Il faut sans cesse créer, développer
et faire évoluer les collections tout en respectant la culture de la maison. Une silhouette
du défilé Dior renferme un peu de l'esprit et
du talent de son premier créateur Christian
Dior qui a révolutionné la mode féminine
des années cinquante. Les groupes de luxe
recrutent à prix d'or les meilleurs créateurs
de la planète pour réussir le défi d'innover en permanence tout en restant fidèle
à l'héritage de la marque. Il faut du temps
pour faire émerger du génie créatif des collections commercialisables. Il faut innover
sur les matières (comme Chanel a su le faire
avec la céramique en horlogerie et joaillerie), les techniques, le service aux clients, les
concepts de boutiques, accepter de reporter
un lancement si tout n'est pas parfait, bref
dire mille fois non pour un seul oui.
Revenons aux clients du luxe, prêts à débourser 100 euros pour le dernier parfum Guerlain,
7 000 euros pour le chronographe El Primero
de Zenith ou plusieurs centaines de milliers
d'euros pour les plus belles parures de haute
joaillerie. Leur décision d'achat ne suit pas la
même logique que pour un achat classique.
Lors d'un achat « utile » le client recherche le
meilleur rapport qualité-prix, compare sur
internet, attend éventuellement les soldes.
Un client du luxe n'achète pas un produit, il
achète une part de rêve, pour lui-même ou

Centraliens no629 [octobre/novembre 201
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