Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 30

Dossier

Gemmyo :

la joaillerie à portée de « clic »
Tout le secteur du luxe est organisé autour d'un élément
de son bilan ﬁnancier : le stock.

e stock est un pari sur l'avenir : l'artisan, tout comme l'industriel, prépare
un produit avec quelques mois ou
quelques années d'avance, avec l'espoir
de le vendre.
Or, dans le luxe, les matières premières et le
coût de fabrication sont souvent élevés. Les
matières premières : métaux précieux, pierres
précieuses, étoffes rares, cuir de qualité, sont
difficiles à trouver dans une qualité constante,
peuvent être fragiles, et coûtent déjà très cher.
La fabrication, dans un atelier français ou italien coûte encore plus cher et évolue vite avec
la protection sociale accrue des pays développés. Ainsi, le stock dans le secteur du luxe est
une ligne très lourde au bilan.
Si un produit en stock est écoulé, il l'est à un
prix très élevé, et le risque se transforme en
profit. En revanche, si le produit ne trouve
pas preneur rapidement, il a de bonnes
chances de tomber « hors de l'air du
temps » et de rester indéfiniment sur le
stock du vendeur. À ce moment le risque
se transforme en un financement lourd à
long terme, voire en une perte, si l'objet tombe
complètement en désuétude.
Ainsi, si l'on devait caricaturer la situation, les dirigeants d'une entreprise de
luxe n'ont qu'une idée en tête : écouler
leur stock. Et le meilleur levier pour
arriver à ce but, c'est de guider le client dans
ses goûts en imposant ceux qui correspondent
au stock.
La marque est le principal outil que les entreprises de luxe utilisent pour encourager la
vente. La marque crée des codes, des conventions à respecter, « un bon goût » duquel il faut
éviter de s'écarter, et une « mode » de saison,
qui est la tendance à suivre dans les mois à venir. De cette façon, la marque peut planifier la
fabrication et l'écoulement de son stock ; dans
quelle couleur fabriquer telle jupe pour la prochaine saison ? Sans marque forte, qui impose
ses goûts, les clients risquent de se disperser
sur des dizaines de couleurs - certaines par-

ties du stock seront insuffisantes par rapport
à la demande, et d'autres - cauchemar absolu
- seront invendues.
Cette stratégie de marque forte, avec son leadership sur le goût des masses, a fait à la fois la
santé insolente de ce secteur, d'abord dans les
pays des développés, encore plus par la suite
dans les pays émergents, dans lesquels « le
bon goût » est quelque chose à construire, une
place vide que les nouvelles classes moyennes,
asiatiques par exemple, sont heureuses de
remplir avec les propositions des marques de
luxe au meilleur leadership.
Mais cette stratégie typique des puissantes
marques de luxe ouvre aussi des opportunités
à de nouveaux entrants.
Imaginons un instant une marque qui ne
dépende pas de son stock - une marque qui
n'aurait pas de stock et ne fabriquerait qu'à
la commande, en « just-in-time ». En adaptant les méthodes inventées par Toyota il y a
décennies, certaines marques sont en train de
révolutionner le secteur du luxe.
La marque Gemmyo en est un magnifique
exemple. Dans le secteur de la joaillerie où le
stock est plus important que jamais (une pièce
reste en moyenne 646 jours sur le stock du
joaillier selon l'ordre des experts-comptables),
Gemmyo utilise les technologies 3D pour
fabriquer ses produits, à la commande uniquement. Les images affichées sur le site Internet de Gemmyo sont des images de synthèse
(qui ressemblent à s'y méprendre à des photographies de joaillerie de la plus haute qualité)
qui décrivent ainsi un inventaire infini, virtuel,
dans toutes les combinaisons de couleur de
pierres et de métaux que l'on peut imaginer.
Chez un joaillier traditionnel, si le design d'un
solitaire vous plaît, vous avez bien de la chance
si vous arrivez à obtenir le produit que vous
souhaitez dans la combinaison de couleurs que
dont vous rêvez (or rose et rubis, par exemple,
contrairement au traditionnel or blanc et diamant), le tout dans la bonne taille de doigt. En
effet, le joaillier traditionnel, prisonnier de son
modèle, va chercher à écouler son stock, pro-

Centraliens no629 [octobre/novembre 201
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