Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 36

Dossier

Axel Rousseau (99)
Le début de sa carrière professionnelle ne l'a pas particulièrement préparé aux métiers du luxe.
Douze ans dans la production électrique et 2 ans chez un équipementier automobile.

Mon arrivée en Supply Chain chez Chaumet, maison de joaillerie, filiale du groupe
LVMH, a été un vrai choc de cultures mais
aussi un vrai plaisir.
Je me suis trouvé confronté à des processus beaucoup plus artisanaux que ceux dont
j'avais l'habitude. Il m'a aussi fallu évoluer
pour accepter de gérer l'ambiguïté plutôt que
de chercher systématiquement à la supprimer. Dans une maison de luxe, la création
est primordiale et se laisse mal décrire dans
un processus normé comme dans l'ISO 9000.
Par exemple, l'achat d'une pierre précieuse est
autant un choix esthétique personnel que le
résultat d'une négociation de prix d'une commodité. De plus, la croissance rapide oblige à
une évolution constante de l'organisation et
des priorités. Nous devons régulièrement intégrer de nouveaux acteurs et redéfinir les rôles
de chacun.
Le métier de la joaillerie est source de plaisirs esthétiques mais aussi de vrais challenges
intellectuels. Il existe très peu de littérature sur
les best practices du métier. Sur Amazon, vous
trouverez 156 références pour le mot clé « supply chain automobile » mais une seule, et épuisée, pour « supply chain luxe » et aucune pour
« supply chain joaillerie ». Presque tout est à
inventer et la mise en équations est difficile.
La valeur individuelle élevée de chaque produit fait qu'un point de vente vend peu d'unités chaque jour. Une bague dans une métrique
donnée se vend entre une fois par semaine et
une fois par an dans les meilleurs magasins.
Cependant, comme en général dans le retail,
un produit non présenté ne se vend pas. Les
stocks nécessaires sont donc très élevés. Un
pilotage précis et rigoureux est indispensable
sous peine de mettre en danger la santé de
l'entreprise.
Il faut donc optimiser des stocks élevés, répartis sur de nombreux point de vente : l'essentiel
est en magasin et non en central. Du fait des
faibles ventes unitaires les prévisions de ventes
sont extrêmement aléatoires. On est souvent à
la limite d'une optimisation sous contraintes
et multi-objectifs : répartitions des métriques

entres les magasins, largeur de gamme par
typologie de magasin, taux de service local,
rotation de stock régionale ou mondiale par
modèle. Il est cependant nécessaire de rester
pragmatique et simple car un modèle stock de
boutique devra être partagé et négocié avec un
directeur de magasin et / ou un responsable
marketing opérationnel. En même temps la
mise en place d'un calcul mathématique précis du seuil de réapprovisionnement du stock
central chez Chaumet a permis d'obtenir de
vraies avancées qualitatives du stock. Moins de
surstock pour un meilleur niveau de service.
Le rôle de l'ingénieur dans le luxe est souvent
de structurer ce qui ne l'était pas sans être en
opposition avec l'entrepreneuriat et créativité nécessaires à la Maison. Dans cet univers
riche, complexe et en changement, mon expérience industrielle de formalisation, de structuration et d'optimisation est un vrai atout, à
condition de savoir rester flexible. L'ingénieur
doit essayer de mettre des règles dans cet univers pour en améliorer la performance. Mais il
doit rester ouvert aux exceptions et bien comprendre le business et les objectifs stratégiques
pour pouvoir prendre des décisions pertinentes et être capable de remettre en cause,
en cours d'année, un objectif budgétaire et de
définir de nouvelles règles.
n

Axel Rousseau
diplômé de Centrale
Paris en 1994 commence sa carrière
dans l'industrie.
D'abord les matériels
électriques pendant
12 ans chez Schneider Electric sur des
postes de supply chain projet et opérationnels puis 2 ans dans l'automobile,
toujours en supply chain, chez un équipementier automobile, filiale de Thyssen
Krupp.
En 2009, il intègre Chaumet et devient
Directeur Supply Chain en 2012.

Centraliens no629 [octobre/novembre 201
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Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013

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