Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 59

Adrien Bochet

Bibliographie :
Cet article n'aurait jamais pu être
rédigé sans le travail de François
Bochet (1 953) qui a constitué un
dossier réunissant la bibliographie
très abondante de son grand-père
et un certain nombre d'articles et
de publications dont le discours
prononcé aux obsèques d'Adrien
Bochet le 2 janvier 1923. Ce dossier
sera déposé aux archives de l'Ecole
Centrale. Centrale Histoire remercie
chaleureusement François Bochet.

L'universitaire
Adrien Bochet consacra toute sa vie beaucoup de son temps à la science et à l'enseignement. Il fait partie des pionniers de l'électricité,
qui fondèrent la Société Internationale des
Électriciens, le Laboratoire Central, et l'Ecole
Supérieure d'Electricité.
Dès 1890, il professait devant les officiers du
Génie. Il enseigna également au Laboratoire
Central d'Electricité, puis à l'Ecole Supérieure
dès sa création en 1 894. Il y est nommé maître
de conférences en 1900, et assumera jusqu'en
1914 la correction des projets de toutes les
promotions. Parallèlement, il est l'auteur d'un
grand nombre de conférences, de communications, et de publications. Il est titulaire de
nombreuses distinctions. En particulier il est
chevalier de la légion d'honneur qui lui est
conférée en décembre 1900 au titre de l'exposition universelle et officier de l'Instruction publique. Il est membre de nombreux congrès et
comités, et présidera la Société Internationale
des Electriciens en 1910-1911. Depuis 1912, il
était membre du Conseil de l'Ecole Centrale.
Le Directeur de celle-ci était à l'époque Monsieur Noël, sénateur de l'Oise et Maire de
Noyon. En cette qualité, il avait été pris comme
otage et menacé d'être fusillé par les Allemands
lors de leur avancée en août 1914. Rendu à sa
fonction de maire, ses rapports avec l'occupant
furent tels qu'il fut incarcéré en février 1915,
puis déporté en Allemagne. Il n'avait pu reprendre ses fonctions à la tête de l'Ecole qu'en
janvier 1916, celle-ci ayant entre-temps été
dirigée par une commission intérimaire. Il
restait cependant éprouvé par sa captivité, et
en 1917 le ministre Clémentel sollicita Adrien
Bochet pour lui succéder. Pour les diverses
raisons que l'on comprend, il fut décidé d'une
période transitoire, qui dura jusqu'à fin 1919,
où il exerçait le rôle de directeur adjoint auprès
de Monsieur Noël, avant de lui succéder. Monsieur Noël restait d'ailleurs directeur honoraire
et continuait de siéger au Conseil.
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Adrien Bochet devait diriger l'Ecole pendant trois ans. Son apport fut considérable.
Il fallait tout d'abord la remettre en ordre après
les années de guerre. Sans entrer dans le détail
des vicissitudes qu'elle avait subies au cours des
quatre années écoulées, disons qu'elle s'était
vidée en 1914 du fait de la mobilisation, avant
d'accueillir à nouveau les grands blessés et les
réformés de façon progressive durant les hostilités, avant le grand retour de 1919. Parallèlement, le cycle des concours d'entrée s'était
trouvé largement perturbé. Globalement, il
fallait faire face à un sureffectif considérable
(2 000 élèves au lieu de 750) tout en permettant
à chacun une conclusion fructueuse de sa scolarité. Le principal axe de travail fut l'instauration d'un cycle de vingt-cinq mois d'études,
réalisant grâce à une stricte discipline la totalité du programme d'enseignement. Et puis il
fallait bâtir l'avenir. Adrien Bochet oeuvra sur
tous les plans : Le contenu de l'enseignement
tout d'abord. L'objectif affiché étant d'apporter la meilleure formation française au métier
d'ingénieur, grâce à une forte culture générale
fondée sur une solide capacité mathématique,
l'accent mis sur l'acquisition de méthodes de
travail, ainsi que sur la pratique expérimentale. Au plan pratique, c'est lui qui introduisit
les cours écrits pour faciliter une meilleure
présence intellectuelle en amphithéâtre, et
qui développa les exercices pratiques, répartis
entre travaux de laboratoire et stages dans l'industrie. On lui doit également la création des
laboratoires souterrains dont les promotions
qui ont connu la rue Montgolfier gardent un
souvenir très vif. Ouverture ensuite : il crée des
rapports plus étroits entre l'Ecole et la Faculté
des sciences, développe les équivalences, ouvre
l'accès des jeunes ingénieurs à des grades universitaires ou à des carrières de recherche. Il
se montra soucieux d'établir des liens entre
l'Ecole et l'Armée, convaincu de la proximité
des facultés de l'ingénieur et de celles de l'officier. Il réussit à obtenir un statut spécial de
service actif pour les jeunes ingénieurs. Par
ailleurs, il ne faut pas oublier que c'est à cette
époque que l'Ecole commence à accueillir des
jeunes filles, selon une décision de 1917. Affirmation de la personnalité de l'Ecole enfin : il
obtient un décret ministériel instituant l'autonomie du budget de l'Ecole Centrale des Arts
et Manufactures, ce qui lui confère la capacité
civile. Il appartient à de nombreuses instances
universitaires et scientifiques où il porte haut le
drapeau de l'Ecole : on dirait aujourd'hui qu'il
était préoccupé par son « rayonnement ».

Un essai de synthèse
Adrien Bochet devait s'éteindre brusquement le
28 décembre 1922. Rares sont sans doute ceux
qui s'illustrèrent aussi brillamment dans toutes
les dimensions du métier d'ingénieur. Il fut un
grand réalisateur novateur (il est titulaire d'une
vingtaine de brevets) si l'on se réfère à ce qu'il a
fait : l'électricité et plus particulièrement l'éclairage constituent peut-être un fil conducteur depuis ses débuts jusqu'à ses dernières fonctions
militaires, mais il explora aussi bien d'autres
applications de l'électricité - nous n'avons pas
évoqué plus haut le refroidissement des soutes
à munition des navires de guerre ou la commande électrique des gouvernails - tandis que
le problème de la production de l'énergie l'amenait à devenir un pionnier en matière de moteurs thermiques. Il fut également un entrepreneur, administrateur de sociétés importantes,

suscitant la création d'un pool de fabrication de
moteurs diesel, fondant la SMT. Quel universitaire enfin ! Ses publications sont nombreuses,
il enseigna longtemps au plus haut niveau de sa
discipline, et son œuvre au cours des trois trop
courtes années qu'il passa à la tête de l'Ecole a
marqué celle-ci durablement.
Un rappel enfin de sa fidélité à l'armée :
sans doute faut-il y voir une expression de
la haute idée qu'il avait de ce qui était son
rôle dans son pays.
n
Jean-Claude Sauvage (1 969)
Centrale Histoire

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